Je viens de finir « Réseaux, le pari de l’intelligence collective » de Jacques Blamont. Je l’ai croisé à quelques reprises dans la cadre du Club des Vigilants. Pour ceux qui ne le connaissaient pas, il est tout simplement l’un des pères de l’aventure spatiale française. Si vous êtes fan comme moi de ThinkerView vous savez que l’animateur le cite souvent comme un des « sponsors » de la chaine, et que l’interview de Jacques a été la première d’une longue série. Jacques Blamont est décédé aujourd’hui. Je poste ce compte rendu de lecture, écrit il y a une semaine, avant son décès, et donc en le citant au présent.
Les moteurs de la révolution numérique
Un premier chapitre est consacré aux moteurs de la révolution numérique, avec un focus particulier sur la conjecture de Moore. Vous la connaissez, cette « loi » empirique explique qu’il y aura un doublement du nombre de transistors dans les microprocesseurs tous les deux ans. Si elle concernait jusqu’à présent la puissance des microprocesseurs, Jacques Blamont prédit qu’elle sera applicable aux nombres d’applications dans les plateformes.
Un second chapitre concerne le monde de la donnée, avec une attention particulière aux risques de monopolisation du pouvoir par les GAFAM. Il consacre de nombreux chapitres à la conquête de l’espace, et développe l’idée que l’innovation verticale initiée par les grandes agences a été disruptée par les GAFAM (notamment Jeff Bezos) et NATU (notamment Elon Musk).
Il détaille ensuite la force d’internet, liée à la participation des internautes, les communs, les logiciels libres, les blogs et le 2.0, les mouvements de « makers », le modèle de Wikipedia, … Tout ceci qu’il rassemble sous la terminologie du pouvoir de la « Foule ». Et en conclue qu’il faut qu’au niveau européen nous soyons en mesure d’intégrer cette dimension participative, cette « Foule », sous peine de sclérose. Il a pour cela créé au sein du CNES une dynamique qu’il a baptisée la Fédération.
L’intelligence collective
Jacques Blamont est un visionnaire. Il cherche à appliquer au domaine spatial très rigidifié par le souci de l’excellence, les leçons de la mutation structurelle qu’internet entraine. Sa vision m’a rappelé celle de Joël de Rosnay dans son ouvrage Symphonie du vivant (résumé ici) Les deux ont en commun d’avoir vécu de grandes réussites dans le monde d’avant. Et loin de se reposer sur leur laurier, de vouloir comprendre le monde à venir, et de vouloir donner du sens à l’émergence parfois brouillonne d’internet. Joël de Rosnay imagine par exemple que l’ensemble des codes et algorithmes qui constituent l’ossature d’internet soient une forme d’ADN. Et partant de là, il imagine une épigénétique des mèmes qu’il appelle épimémétique.
Les deux savants imaginent comment changer, améliorer, orienter positivement l’internet ! En cela, ils sont plus jeunes que les jeunes. Bravo ! Esprits brillants, ils ont une foi immense dans l’intelligence collective. J’espère que l’avenir leur donnera raison.
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Jérôme Bondu