Qwant est un moteur de recherche « made in France ». Si ce moteur a des faiblesses, il semble néanmoins essentiel de le promouvoir.
Qwant a certes des faiblesses !
– Qwant est un méta-moteur, c’est-à-dire qu’il interroge d’autres moteurs de recherche. Ce n’est pas en soi condamnable, mais il est vrai que l’on peut alors préférer utiliser directement les moteurs. Il semble néanmoins s’affranchir de Bing et développer ses propres outils.
– Il produit moins de résultats que Google, qui comme tout le monde le sait est le leader du marché. C’est vrai (même si je me suis amusé à une petite étude comparative pour nuancer un peu cette affirmation).
Ces deux critiques étant formulées (et il peut y en avoir d’autres) est-ce une raison pour jeter ce moteur à la poubelle ? Non, bien au contraire. Car il y a d’autres enjeux…
Pourquoi promouvoir Qwant ?
Qwant suffit
– Parce que pour l’immense majorité des requêtes du grand public Qwant suffit bien largement. Si bien sûr les professionnels de la recherche d’informations se doivent d’avoir une parfaite connaissance et maîtrise des outils de recherche et utiliser quand il le faut les meilleurs d’entre eux, rien n’empêche de prêcher pour que le plus grand nombre donne sa chance à Qwant.
Parce que plus on utilise l’outil plus il se bonifie.
Comme tous les outils fonctionnant sur le modèle de la régie publicitaire, plus on le consulte, plus il a de « vues », plus la publicité lui rapporte, plus il peut investir en recherche et développement. Pratiquement tous les moteurs fonctionnent sur ce modèle. Google étant le premier en terme de chiffre d’affaires. L’hyper-moteur a déclaré 75 milliards de dollars de CA en 2015, dont une très grosse part provient de la pub. Et ne parlons pas du respect de la vie privée. La où Google est intrusif et carnassier, Qwant protège et anonymise votre utilisation.
Monopolisation de la recherche
– Parce qu’il faut à tout prix éviter la situation de monopole de la recherche sur internet. Même si Google est actuellement le meilleur, est-ce une raison pour en faire le seul ? Quand on sait que Google est utilisé dans 94% des recherches en France, on ne peut que frémir face à cette dépendance informationnelle. Si l’information (la donnée) est le pétrole du XXIème siècle, ne devons-nous pas chercher une certaine autonomie ?
Danger démocratique et économique
– Parce qu’en plus Google est un danger démocratique et économique. Vous riez ? OK … c’est que vous ignorez tout ce que Google collecte sur vous. La Stasi à côté c’est de la rigolade (en terme de collecte de données). Si vous utilisez une messagerie Gmail et le navigateur Chrome, et que vous avez un appareil de téléphone sous Androïd … vous être totalement transparent. Google connait tous vos déplacements (même quand la « position » sur votre téléphone est désactivée), tout votre réseau relationnel (via votre carnet de contacts Gmail), tous vos échanges de mails, tous les sites que vous visitez, … Si en plus vous utilisez Google Agenda et Google Drive, vos rendez-vous et vos documents sont aussi digérés. Parano ? Non, factuel. Ceux qui ne comprennent pas Internet doivent obligatoirement aller voir le film sur Edward Snowden.
Développement d’un outil européen
– Parce qu’on peut quand même raisonnablement pousser au développement d’un outil européen (Qwant est détenu à 20% par l’allemand Springer) ! Aucun chauvinisme, euro-patriotisme ou anti-américanisme mal placé à ce niveau. Juste que les européens méritent d’avoir un minimum de « souveraineté informationnelle ». Et comme cette expression est mal comprise, il faut rappeler (encore et encore) qu’internet n’est pas un outil neutre. Sortons de la bisounourserie et voyons les choses en face : internet est un champ de bataille. Christian Harbulot a fait un bel article sur le sujet. Pascal Perri dans son livre « Google, un ami qui ne vous veut pas que du bien », Pierre Bellanger dans son livre « Souveraineté informationnelle » ou plus récemment Ali Laïdi dans son monumentale « histoire mondiale de la guerre économique » … l’écrivent et le démontrent. Et ce champ de bataille a vu les Européens déserter sans même combattre.
Projet industriel numérique européen
– Parce que l’on peut croire encore à la réussite d’un projet industriel numérique européen. Ceux qui enterrent Qwant aujourd’hui, auraient rigolé dans les années 70 face à un certain Bernard Esambert proposant la création d’un concurrent à Boeing. Bien des sceptiques à l’époque ont dû arguer que l’on ne peut rien faire face au leader américain. Il faut lire son ouvrage précurseur « Guerre économique mondiale » écrit en 1971, ou plus récemment son autobiographie « Une vie d’influence ».
Monde Européen sur l’échiquier numérique
– Parce qu’il faut replacer le monde Européen sur l’échiquier numérique. Louis Pouzin dans une récente interview a rappelé que l’Europe a été autant moteur que les Etats-Unis dans la création d’internet. Nous sommes en train de renier notre propre création.
Analyser Qwant sous un angle uniquement technique, et conclure que l’outil est à mettre à la poubelle relève au mieux d’une cécité informationnelle au pire d’un manque d’analyse stratégique patent. C’est tout l’intérêt de sortir de la veille pour rentrer dans l’intelligence économique.
Autres moteurs
Pour finir, je précise que je ne suis pas payé par Qwant pour écrire cela. On ne sait jamais, des fois que l’on croirait … Et si Qwant ne vous plait pas, il y d’autres moteurs qui anonymisent les résultats comme DuckDuckgo https://duckduckgo.com ou Ixquick https://www.ixquick.com/ . Il est de notre responsabilité de ne pas créer une situation monopolistique dont nous pâtirons tous. La maitrise d’internet passe aujourd’hui par le navigateur Firefox + le moteur Qwant. Ce n’est pas la panacée, mais c’est un début. Et pour ceux que cela intéressent j’organise une formation sur le thème « surfer anonymement sur internet ».
Jérôme Bondu
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