Faut-il avoir peur des GAFAM ? Le Point a fait sa Une avec Margrethe Vestager – La personnalité de l’année. Et l’on peut lire un dossier intéressant composé de 4 éléments.
Monopolisation du pouvoir par les géants du numérique
1/ Le premier article fait le portrait de la vice-présidente exécutive désignée de la commission européenne, chargée de la concurrence et du Numérique. L’article est surtout intéressant dans la présentation des positions de cette européenne. Elle explique notamment que « si les GAFAM faisaient quelque chose de très grave, nous pourrions les démanteler ». Si je peux me permettre un avis personnel, la ligne rouge me semble déjà avoir été franchie, et la part de marché de Google dans les moteurs de recherche ou les systèmes d’exploitation de téléphone dépassant 80%, on pourrait sans doute commencer à s’affoler … Mais bon.
2/ L’article suivant de Gaspard Koening intitulé « Notre dernière chance » va dans ce sens et tire très justement la sonnette d’alarme.
3/ La double page suivante présente une belle infographie de Google, Facebook et Amazon (image ci-jointe).
4/ Mais c’est le dernier article qui m’a surtout intéressé, et que j’ai décortiqué. La journaliste Hélène Vissière explique que « L’Amérique a peur de ses géants ». Voici ci-dessous les idées importantes et les principaux protagonistes cités.
Les opposants aux GAFAM
La peur des GAFAM est bien répartie dans la société
– Démocrates.
* Dénoncent l’exploitation des données personnelles, et la désinformation qui a contribué à la défaite de Clinton.
* Elizabeth Warren est en première ligne. Alexandria Ocasio-Cortez est aussi citée.
– Républicains.
* Dénoncent la censure des voix conservatrices.
* Trump a une position ambivalente, puisqu’il dénonce cette censure, mais défend aussi les GAFAM face à une taxe européenne.
– La chambre des représentants
* Qui a taraudé Zuckerberg lors d’une audition particulièrement mouvementée.
– Autorités de règlementation américaines qui reprochent
* A Amazon (qui contrôle 50% du commerce sur Internet) de privilégier ses produits et ses marques.
* A Google (qui contrôle environ 80% des requêtes dans le monde) de privilégier ses services.
* A Facebook (qui comme Google) abuse de sa position dominante sur le marché publicitaire.
* A Apple, de faire la pluie et le beau temps sur la sélection des applications de sa boutique.
Jusqu’au sein des ministères
– Groupe de procureurs généraux
* 9 septembre, audition à la Cours Suprême.
* Les procureurs de 50 Etats ont ouvert une enquête sur Google. Ken Paxton, procureur du Texas a déclaré « Il y a des indices montrant, selon nous, que ses pratiques commerciales ont pu réduire le choix des consommateurs, étouffer l’innovation, violer la confidentialité ».
* Un second groupe se penche sur Facebook mené par la procureur général de New York, Letitia James.
– Ministère de la justice (Fédéral Trade Commission) et la Chambre des représentants ont lancé une avalanche d’enquêtes.
– L’Ecole de Chicago, et notamment le professeur Luigi Zingales, qui veut faire bouger les positions de cette école ultralibérale.
– Le grand public qui a pris conscience
* De la libre circulation d’infox sur leurs plateformes.
* De l’utilisation des données personnelles des internautes (Cambridge Analytica).
* De leurs pratiques d’évasion fiscale.
On voit que la peur des GAFAM est diffuse dans la société américaine.
Les soutiens aux GAFAM
– Le Congrès est paralysé par les divisions.
– L’impact de la déclaration du juge conservateur Robert Bork. Il a écrit en 1978 « Le paradoxe de l’antitrust ». Il y développe l’idée que la lutte contre certains monopoles a nui à l’économie. Et qu’il y a une question fondamentale à se poser avant d’entamer un dossier antitrust « le consommateur est-il lésé ? ». Cette « philosophie » a protégé les Big Tech.
– Leurs actions de lobbying
* 55 millions de dollars en 2018.
– Les multiples relais de communication :
* Par exemple le rachat du Washington Post par Bezos.
* Les relations très proches des géants de la tech avec les politiques.
– Leur défense axe de défense :
* Ils apportent de nombreux avantages aux utilisateurs.
* La concurrence dans le numérique est rude, et les barrières à l’entrée très basses.
Les pistes pour réduire le pouvoir des GAFAM
– Démantèlement suivant la loi antitrust Sherman de 1890 :
* Amazon devrait céder sa chaine de supermarché Whole Foods.
* Facebook pourrait céder Instagram et WahtsApp.
* Google pourrait céder YouTube.
* Apple, sa boutique d’application.
– Contrôle des rachats. Jusqu’à présent les GAFAM ont été boulimiques et ont pu acheter sans entrave :
* Google 214 sociétés.
* Amazon 91 sociétés.
* Facebook 67 sociétés.
– Règles ou lois :
* Pour protéger la concurrence.
* Interdiction pour une plateforme de vendre des produits sous sa marche.
* Obligation pour les Big Tech de rendre leurs services interopérables.
– Créer une nouvelle entité pour la concurrence dans le numérique.
La peur des GAFAM est donc légitime. A lire dans Le Point !
Pour aller plus loin, on pourra lire une description des arguments pour et contre GAFAM dans l’Opinion. Ainsi que plusieurs articles du blog:
– Cartographie des ouvrages sur les GAFAM (billet 4 sur 5).
– Article d’Usbek & Rica : « Pourquoi il faut se défendre face aux GAFAM ».
– A litre : Les GAFAM contre l’internet, de Nikos Smyrnaios.
Bonne lecture
Jérôme Bondu
Directeur de la société Inter-Ligere.fr
Président du Club IES