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Intelligence Economique

Colloque CED : L’Europe est-il un marché conquis ? (1/2)

By 13 octobre 2008septembre 1st, 2022No Comments
L'europe est-il un marché conquis

Europe est-il un marché conquis ? Les 2 et 3 octobre 2008 s’est tenu la 1ère Université d’Été de l’Intelligence Économique, avec pour titre : « La France, l’Europe et les États francophones sont-ils des marchés conquis ? »

Europe est-il un marché conquis ?

Organisé de main de maître par le Forum Francophone des Affaires, présidé par Stève GENTILI, et l’association Culture Économie Défense, présidée par Yves -Marie MORAY (intervenu au Club IES), le colloque s’est tenu dans le cadre prestigieux de l’École Militaire. Les tables rondes se sont succédé durant un jour et demi, avec un large panel d’intervenants (45 exactement).

Voici quelques morceaux choisis relevés çà et là (je n’ai pu assister qu’à 3 tables-rondes sur 6). Je tiens à souligner que le texte ci-dessous n’engage que moi, et ne reflète que ma compréhension du discours des intervenants. Compte tenu de sa taille, je poste ce compte rendu en deux parties (Lire la suite : intelligence économique et numérique).

Enjeux stratégiques de la francophonie économique

La première table ronde portait sur le thème : Enjeux stratégiques de la francophonie économique.

Stève GENTILI (Président du Forum Francophone des Affaires et de la BRED) a rappelé qu’il y a 200 millions de francophones dans le monde. Loin d’être seulement affaire de culture, la francophonie est un voile qui cache un vrai combat, celui du développement des états concernés. Face au monde Anglo-Saxon, le monde francophone essaye de jouer ses cartes, et l’Intelligence Économique fournit une grille de lecture.

Jean-Claude MAGENDIE (Premier Président de la Cour d’Appel de Paris) est intervenu sur le droit français comme outil de défense économique. Le droit anglo-saxon, rappelle-t-il  a été appuyé par des rouages puissants, notamment les grands cabinets internationaux d’avocats (sur les 100 plus grands cabinets, 98 sont de la « common law », et 2 seulement du droit franco-germanique !). La bataille est similaire au niveau des normes comptables. Citant Orsenna « Le droit est à la société, ce que la grammaire est à une langue » il conclue qu’il y a une convergence dans la défense de la francophonie et du droit, qui sont liés à l’économie et la culture.

Benoît BATTISTELLI (Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle – INPI) a fait la démonstration d’une réussite européenne trop souvent passée inaperçue : l’organisation européenne des brevets. La structure qui a en charge les brevets en Europe est devenue une référence mondiale, et est du fait du rôle stratégique des brevets dans l’innovation- un vecteur d’influence.

Mondialisation et réforme de l’État

La seconde table ronde avait pour thème : Mondialisation et réforme de l’État.

Comment avec tant d’atouts peut-on faire aussi mal

Christian SAINT-ETIENNE (Professeur des Universités, membre du Conseil d’Analyse économique) a brossé un tableau de la France. Au titre des éléments positifs, il a cité la bourse et une place financière qui lui semblent très solides. Il a été plus prolixe sur nos axes d’améliorations. Au premier rang desquels, il a cité notre faible croissance économique. Pour y remédier, il a évoqué les points suivants :
– une réforme de l’appareil d’État, de la sphère publique, et de la finance publique,
– un devoir de promotion de l’innovation,
– une réforme universitaire,
– un re-calcul de l’âge de la retraite,
– la fin de l’ISF qui est destructeur de valeur.

Il a conclu que tant que l’on ne sera pas capable de toucher à ces vaches sacrées (recul de l’âge de retraite, ISF, …) nous n’aurons pas la croissance nécessaire. Le plus rageant est que l’on a tout pour réussir. Et le professeur de finir sur cette interrogation : « Comment avec tant d’atouts peut-on faire aussi mal ? »

Engagement fort au profit des entreprises françaises

Rémy PAUTRAT (Préfet, Président de l’Institut d’Études et de Recherche pour la Sécurité des Entreprises – IERSE). Ancien préfet à la carrière prestigieuse, M. Pautrat (que j’ai eu le plaisir d’interviewer) nous a avoué avoir été sensible en début de carrière aux paroles d’un patron de PME qui lui a dit se poser tous les matins les trois mêmes questions « Qui veut tuer ma boite ? Comment va-t-il faire ? Ou se trouve-t-il ? ». Cette phrase a depuis cristallisé pour ce grand serviteur de l’État un engagement fort au profit des entreprises françaises, et notamment des PME. Ce qui s’est notamment traduit, sur les territoires que le préfet à eu à administrer, par la mise en place de dynamiques d’intelligence économique (Normandie, Nord, Essonne).

Quatre éléments lui paraissent bien définir la société actuelle :
– la vitesse, qui imprègne tous les compartiments de la vie,
– l’économie de la connaissance,
– la guerre économique, qui régit le monde des affaires,
– la complexité, que l’on retrouve notamment dans les normes, le juridique,

Domaines où la France se débrouille mal

M. Pautrat a lui aussi évoqué les domaines où selon lui la France se débrouillait mal :
– l’influence. « Les Japonais (dit-il) ont plus de bureaux à Bruxelles que la France »,
– la sécurité économique,
– l’anticipation. La politique relève trop souvent du court-termisme,
– le manque de culture de l’information,
– les partenariats public-privés,
– l’offensif. La France est trop axée sur le défensif. Il y a « trop de lignes Maginot ». Si vous proposez de l’offensif, explique-t-il « vous allez provoquer la suspicion ».

Ses deux recommandations majeures :
– L’État doit être stratège, doit être un « veilleur de l’avant ».
– L’État doit être un partenaire pour les entreprises, et doit développer les partenariats publics – privés.

Les Français jouent à la belote

La question initiale : « Europe est-il un marché conquis ? » peut aussi se poser pour le Maroc. Abdelmalek ALAOUI (Associé-gérant GLOBAL INTELLIGENCE PARTNERS, FFA Maroc). M. Alaoui (qui est intervenu au Club IES) a commencé par une image que chacun pourra interpréter à sa guise : Dans le monde actuel « les Français jouent à la belote, les Américains au poker, et les Chinois au Go. » Partant de cette image, le Maroc essaye d’avoir un positionnement hybride en reprenant les forces des grands modèles : «  surveiller comme les Chinois, analyser comme les Français, agir comme les Américains ». C’est selon lui la recette du succès.

La politique d’Intelligence Économique du Maroc, a été développée à partir de la prise de conscience d’un problème (comme c’est souvent le cas en entreprise). L’un de ces événements a été la prise de conscience de la concurrence chinoise. M. Alaoui a raconté l’anecdote suivante : les services de l’Etat ont détecté trois containers remplis de babouche en provenance de Chine. Ces dernières étaient vendues 1,5 dollar pièce, alors que la production locale des artisans marocains l’est à 6 dollars ! Comme il le dit avec franchise et simplicité « nous n’avons rien vu venir ». Les services concernés de l’État marocain ont ensuite reconstitué le mécanisme : les Chinois installés au Maroc (au travers de restaurant ou de magasins) ont appris l’arabe, se sont « fondus » à la population, et ont appris le savoir-faire utile à la réalisation de babouche « made in Maroc ». Ce parangonnage* était le prélude à une conquête du marché marocain. Mais le danger ne résidait pas tant dans l’importation au Maroc de ces produits. Mais dans la captation d’un marché mondial pour ce type de chaussures, au détriment du royaume chérifien.

Ces éléments passionnants permettent de mieux cerner la question initiale : Europe est-il un marché conquis ? Lire la suite du compte rendu : intelligence économique et numérique.

Jérôme Bondu

Retrouvez les prestations d’Inter-Ligere : conseil en organisation de système de veille, formations en intelligence économique, et publications. Voir aussi les vidéos sur ma chaîne Inter-Ligere et le programme de réunion du Club IES.

*Parangonnage est le mot d’ancien français qui signifie benchmarking. Compte tenu du thème de ce compte rendu je me devais d’éviter les anglicismes 😉

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