Dans le cadre du colloque EcoPoss « Osons le futur », organisé par la Catho de Lille, Étienne Klein a animé une conférence le 27 octobre 2022. Le thème de son intervention portait sur ce questionnement : Le futur existe-t-il déjà dans l’avenir ?
Ces notes ne prétendent pas être un compte rendu. Elles sont parcellaires et n’engagent évidemment que moi. Pour être honnête, je n’ai pas bien repris la partie de sa présentation qui répondait à la question ;-). Mes notes portent sur des aspects plus terre à terre, mais néanmoins passionnants.
Étienne Klein
Étienne Klein est physicien et philosophe des sciences. Étienne Klein dirige le Laboratoire de recherche sur les sciences de la matière tout en menant une carrière de vulgarisation autour des questions soulevées par la physique contemporaine, notamment par la physique quantique et la physique des particules.
Déclinisme contemporain
En introduction, Étienne Klein a expliqué avoir été étonné par les résultats d’un sondage récent qui montre que dans 5 pays européens, 67% des personnes préfèreraient vivre dans le passé. La proportion est encore plus importante chez les jeunes.
Dans les années 60 tous les magazines pour les jeunes parlaient de l’an 2000 et du futur : voyager, se nourrir, communiquer… tout cela était présenté de manière terriblement attractive. On pouvait être pressé de vieillir. Aujourd’hui personne n’est pressé de connaitre l’avenir. Il y a un déclinisme contemporain, incarné par l’expression « C’était mieux avant », ou par l’utilisation du mot « innovation » à la place du mot « progrès ».
Innovation et progrès
On préfère actuellement l’innovation au progrès
Étienne Klein et Gérald Bronner (A lire : La démocratie des crédules de Gérald Bronner – les biais d’Internet) ont mené un comptage des mots utilisés dans les discours politiques, notamment les mots progrès et innovation.
Innovation : L’innovation est liée dès ses premières acceptions à la conservation d’un état. On innove pour conserver un état actuel.
Progrès :
– Le sens du mot progrès était « spatial » au moyen-âge. Utilisé par exemple dans le sens de progrès dans l’avancée sur un terrain. Le mot progrès a été écrit avec une majuscule jusqu’à la Seconde Guerre mondiale.
– L’idée de progrès est « constructeur », le temps qui passe est l’allié. Croire au progrès revient à considérer que le négatif est modifiable, est le ferment du meilleur.
– À partir des années 80, il y a une chute progressive de l’utilisation du mot progrès. En 2007 tous les candidats à l’élection parlent encore de progrès. En 2012 aucun ne l’emploie.
Cette préférence actuelle pour le mot innovation serait une preuve supplémentaire d’une forme actuelle de « conservatisme » ou de peur de l’avenir. Et cela rejoint le sondage cité en début de conférence « 67% des personnes préfèreraient vivre dans le passé ».
Étienne Klein présente ensuite deux axes de réflexion :
– Réhabiliter la connaissance
– Faire la différence entre science et recherche
Réhabiliter la connaissance
Le fait d’être « pour ou contre » quelque chose dédouane de l’importance de savoir. Par exemple, les pour ou contre le nucléaire connaissent généralement mal la technique. Les pour et contre se battent verbalement au lieu de débattre. Le « débat » est étymologiquement ce qu’il faut faire pour ne pas se battre. Sans argument nous sommes dans la société de l’affect. Il faut réhabiliter la connaissance. Le manque de connaissance dans le domaine scientifique est bien illustré par la confusion entre « science » » et « recherche ».
Faire la différence entre science et recherche
Nous mettons en place des stratagèmes intellectuels pour masquer ce que nous ignorons. Nous développons dans ce cas là des phrases du type « la science c’est le doute ». Cela confond science et recherche. Précisons les choses :
– La science est un corpus de connaissances. Des bonnes réponses à des questions bien posées. On peut contester des résultats scientifiques, mais avec des données scientifiques. Nous en sommes loin quand on sait qu’il y aurait environ 17% de platiste. Ces derniers pratiquent entre autres outils de manipulation ce que l’on appelle « le millefeuille argumentatif ».
– La recherche … est justement une recherche.
Étienne Klein a particulièrement regretté cette confusion durant la crise du Covid, alors que cette distinction aurait été plus que jamais nécessaire.
Étienne Klein se demande à quoi réassocier l’idée de progrès pour lui redonner son sens original. Il propose d’imaginer par la pensée que l’on puisse transporter à l’heure actuelle des philosophes des lumières. Cet exercice de pensée permettrait peut-être de voir ce qui est progrès et ce qui ne l’est pas.
Conclusion d’Étienne Klein
Pour finir sur la question initiale « Le futur existe-t-il déjà dans l’avenir ? » Etienne Klein rappelle que deux doctrines s’opposent :
– Univers bloc : Le passé et le futur existent en tout temps.
– Présentisme : avant a disparu. Futur n’est pas encore là.
Il a cherché à faire un mariage entre l’univers Bloc et le présentisme. L’optimisme et le pessimisme sont des théories de l’inaction.
Lire aussi :
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Jérôme Bondu
J’ai pris la photo sur le salon EcoPoss.