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Réseaux humains

À lire : Power – les 48 lois du pouvoir de Robert Greene

By 14 octobre 2022octobre 18th, 2022No Comments
48 lois du pouvoir

J’ai lu « Power – les 48 lois du pouvoir » de Robert Greene, sous format condensé (il existe une version complète d’environ 400 pages). Je précise comme à chaque fois, que cette note de lecture n’est ni résumé ni une synthèse. Cette note n’engage que moi. Les phrases entre guillemets sont de l’auteur. Il existe de nombreux résumés du livre, cette prise de note est plus pour moi un exercice de mémorisation.

Pour aller droit au but, je n’ai pas du tout aimé. Que Robert Greene ait une vision décomplexée et machiavélique de la recherche de pouvoir ne me pose aucun souci. Qu’il préconise d’être calculateur et retors passe encore. Le souci est ailleurs.

Pas d’ordre de classement des 48 lois du pouvoir

D’abord, ces 48 lois du pouvoir sont présentées sans ordre apparent. Elles s’empilent les unes les autres sans hiérarchie. Certaines lois auraient pu être regroupées. D’autres lois sont antinomiques. Par exemple on lit « la quête du pouvoir n’est qu’un jeu, il faut s’en distancier ». Or l’ensemble du livre montre, au contraire, comment organiser sa vie pour la quête impérieuse du pouvoir. En clair Robert Greene ne présente pas du tout cela comme un jeu. En un mot, son plan me semble bordélique. Et je ne suis pas le seul à le penser : certains commentaires sur Babelio sont encore plus explicites « Power, les 48 Lois du Pouvoir est un livre incroyablement laid. Il est tarabiscoté, prétentieux, se répète inutilement ». Dans un prochain billet je publierai ces 48 lois du pouvoir légèrement remaniées et réorganisées.

Vision simpliste

Ensuite, j’ai été aussi fortement dérangé par l’absence de prise en compte des avancées en psychologie, sociologie et psychosociologie. Il n’y a aucune référence scientifique dans ces domaines. Rien sur la soumission à l’autorité de Milgram, les règles de l’engagement, la preuve sociale… Il semble que la première version du livre date de 1998. Or la première version d’Influence et Manipulation de Robert Cialdini date sauf erreur de 1984. Il a dû forcément le lire…

Antithèse de l’intelligence collective

Plus grave, Robert Greene ne présente absolument pas les bienfaits de la collaboration. C’est même tout le contraire. Voyons par exemple les premières lignes de la loi n° 7 intitulée « Laissez le travail aux autres, mais recueillez-en les lauriers ». Je cite : « Utilisez la sagesse, le savoir et le travail des autres pour faire avancer votre propre cause. Non seulement cette aide vous fera gagner une énergie et un temps précieux, mais elle vous conférera une aura quasi divine d’efficacité et de diligence. À la fin, vos collaborateurs seront oubliés et on ne se souviendra que de vous. Ne faites jamais ce que les autres peuvent faire à votre place. ». Et dans la loi 11 on lit « asservissez les autres »… Tous les conseils sont à l’avenant.

Tournures vieillottes

De plus, j’ai été étonné par certaines tournures, vieillottes voire carrément ridicules, et je me suis demandé si cela provenait de la traduction, où si Robert Greene s’était inspiré de certains écrits antérieurs… On lit par exemple :
– « Trouvez le moyen de mettre vos qualités sous le boisseau »
– « Vous apparaitrez comme un charmant voyou »
– « Laissons au commun des mortels l’horoscope ou le tarot »
– « Suffisamment affaiblis puis exilés de votre cours à jamais, vos ennemis deviendront inoffensifs. »
– « Quand on cherche des sources de pouvoir pour s’élever, il faut se trouver un maître de poids, une laitière bien grasse qui donnera du lait longtemps ».
N’aurait-il pas plagié des écrits de l’Ancien Régime ? Je me pose fortement la question.

Logique de cours

Pour finir, j’ai compris que ces 48 lois du pouvoir étaient en réalité uniquement adaptées au monde des courtisans. Elles ont dû être pensées et écrite dans le microcosme restreint d’une cour royale. Elles s’adressent à un seul et unique individu qui serait en compétition avec un entourage irrémédiablement hostile. L’auteur montre tous les ressorts du machiavélisme, non pas appliqué au Prince, mais à un courtisan. À mes yeux, ce type de situation a bien peu de chance d’être vécu aujourd’hui, sauf à être dans l’entourage rapproché d’une famille royale … et encore. Bref, c’est obsolète. Je ne comprends pas que ce livre ait connu un succès planétaire avec près de 2 millions de ventes. Cela montre surtout le désarroi d’une population en recherche de solution miracle dans un monde en changement rapide.

Inversons la démonstration de ces 48 lois du pouvoir

On pourrait de ce fait trouver un intérêt à la lecture de ce livre en inversant toutes les propositions. On aurait ainsi un parfait manuel d’intelligence collective.

Finissons par une pointe de positif : ce qui est sympathique, et qui rattrape un tout petit peu l’ouvrage, ce sont les exemples historiques et la grande culture de l’auteur, qui puise d’ailleurs abondamment dans l’histoire française. J’ai aussi apprécié la belle mise en page qui facilite la lecture. Mais c’est bien maigre.

Bref, je ne recommande pas. Si vous voulez des ouvrages sur les techniques d’influence et de manipulation, n’hésitez pas à consulter ces autres notes de lecture :

Je donne aussi des formations sur le thème : Lobbying, influence et cartographie décisionnelle. Vous aurez par exemple dans ce court billet un exemple de technique pour cartographier les influenceurs sur Twitter … en 5 minutes…
On peut acheter le livre « Power 48 lois du pouvoir  » sur la FNAC.
Pour finir, n’hésitez pas à consulter mes deux prochains billets sur ces lois de pouvoir réorganisées dans un ordre plus logique et sur ces lois orientées sous un angle coopératif.

Jérôme Bondu

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