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Géopolitique

A lire : L’empire des algorithmes, de Stéphane Grumbach

By 22 septembre 2024No Comments
L’empire des algorithmes

J’ai lu L’empire des algorithmes, de Stéphane Grumbach. Sous-titré « Une géopolitique du contrôle à l’ère de l’anthropocène ». Stéphane Grumbach est directeur de recherche à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA). Chargé de cours à Sciences po Paris, il est membre du projet Geode de l’Institut français de géopolitique.
Le livre est très bien écrit, très dense, plutôt ardu, mais très intéressant ! Voici une petite note de lecture personnelle, qui n’engage que moi.

1.La singularité du monde

L’auteur met en avant la complexité du monde, et la fragilité de l’écosystème. Il souligne que nous sommes prisonniers de la technosphère.

2.L’appropriation de la datasphère

Le développement de la datasphère va de pair avec le développement du contrôle. « La data sphère est un espace dont l’exploitation systématique est récente, mais c’est désormais en son sein que se construisent pour une grande part les nouveaux équilibres du pouvoir (…). C’est un lieu où s’exerce le contrôle des flux, des flux de données bien sûr, mais par voie de conséquence, de tous les flux tangibles comme intangibles, de biens comme de personnes ».

3. Le triomphe des algorithmes – l’empire des algorithmes

Stéphane Grumbach évoque le besoin d’une séparation des pouvoirs numériques (j’en parle ici) . L’auteur explique que l’industrie numérique a bénéficié des largesses des États qui voulaient faire la course en tête. Ainsi la fiscalité a été particulièrement favorable aux géants du numérique. Le droit a été mis de côté. Mais il est temps de prendre conscience que « les algorithmes constituent un nouveau mécanisme de régulation de la société, qui possède le pouvoir normatif de la loi, mais également le pouvoir exécutif de la mise en œuvre ».

4. Les plateformes d’intermédiation

L’auteur traite abondamment des plateformes (voir la note de lecture « Transformation digitale, avènement des plateformes« ) et des marchés bifaces.
L’économie des plateformes permet une forte concentration, un effet réseau, la possibilité de personnaliser les services … Tout ceci explique la croissance extrêmement rapide des géants numérique, qui a pris beaucoup d’acteurs (étatiques et privés) de court.

5. Le plongement du monde dans le cyberespace

Le cyberespace a un prolongement dans le monde réel : géographique (voir la conférence de Kévin Limonier), politiques, militaires … Si le réseau se présente comme une architecture distribuée, donc à priori sans autorité centrale, certains nœuds ont néanmoins des positions extrêmement stratégiques. Ces positions sont liées à la maitrise des câbles sous-marins, des centres de données, des captations par les services de renseignements (note de lecture « Mémoires vives » de Snowden). L’auteur évoque le corridor de Dulles au nord de l’État de Virginie (voir mon article sur Ashburn). Michael Hayden l’a d’ailleurs expliqué clairement « En raison de la nature des télécommunications mondiales, nous disposons d’un énorme avantage sur le terrain et nous devons exploiter cet avantage ».

6. La production du savoir et de la vérité

Stéphane Grumbach traite de la disparition des journaux et des journalistes. Phénomène bien connu. Il évoque aussi la crise des universités et envisage leur disparition ! L’appauvrissement des campus va de pair avec la croissance des EdTech (outils numériques dans le secteur de l’éducation).

Il rappelle les nombreuses controverses entre le monde scientifique et le monde socio-politico-religieux (Galilée, Darwin, Lyssenko) et il craint que nous connaissions de nouvelles controverses. La question de la souveraineté est primordiale.

« La profondeur des transformations en cours déstabilise tout l’édifice tant conceptuel qu’institutionnel pour appréhender les changements et penser le futur. C’est une révolution qui affecte la finalité et par conséquent les valeurs des sociétés tout comme les moyens de les aborder. Des turbulences contemporaines émergeront de nouvelles puissances, de nouveaux équilibres auxquels certains acteurs se consacrent activement ».

7. Pouvoir, souveraineté et légitimité

Le concept d’État-nation né de la paix de Westphalie stipule que chaque État est libre d’agir sur son territoire sans ingérences d’autres États. Mais certains pays, comme les États-Unis ont une capacité de projection extraterritoriale dans de nombreux domaines (armée, culture, droit).

Stéphane Grumbach cite Gilles Deleuze et Michel Foucault et explique que nous passons d’une « société disciplinaire » à une « société de contrôle ». Cette transformation est antérieure aux plateformes numériques, mais promeut fortement ces dernières. Les États vont devoir gérer les effondrements liés à la révolution numérique, et les plateformes n’auront que le beau rôle.

Le système capitaliste ne doit plus être mesuré à l’aune du travail ou du capital, mais à l’aune de la connaissance (voir L’âge du capitalisme de surveillance, de Shoshana Zuboff).

8. La gouvernance de l’écosystème

Tout ceci pousse à la recherche de solutions. D’autant que nous faisons face à une crise écologique majeure.

L’empire des algorithmes est édité par Armand Colin en 2022. Le livre peut être feuilleté ici. C’est à lire

Jérôme Bondu

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