J’ai lu « La nouvelle servitude volontaire » sous-titré « Enquête sur le projet politique de la Silicon Valley » de Philippe Vion-Dury. Le livre est édité chez FYP en 2016.
La nouvelle servitude volontaire
Le livre se présente comme une enquête qui « révèle comment les géants du web influencent et contrôlent notre comportement ». La référence à « la servitude volontaire » de La Boétie est évidente. Philippe Vion-Dury est journaliste, rédacteur en chef de Socialter.
Je précise, comme à chaque fois, que cette note de lecture n’est ni résumé ni une synthèse, mais une sélection des éléments qui m’ont paru intéressants. J’ai essayé de retranscrire au mieux la pensée de l’auteur. Les phrases entre guillemets sont des citations. Notez que ce texte ne reflète pas mes idées (enfin pas toutes ;-). Ce billet se veut une incitation à acheter et lire l’ouvrage, en même temps qu’un exercice intellectuel personnel de compréhension et mémorisation.
Accrochez vos ceintures numériques. Une plongée dans les rouages de la servitude volontaire ne laisse pas indemne.
Je vais partager mes notes en quatre parties :
- Chapitre I : Une réalité intégralement personnalisée
- Chapitre II : Les écosystèmes de manipulation
- Chapitre III : La machine à gouverner
- Chapitre IV : La société de contrôle intégral
Dans l’introduction intitulée « La société de l’anticipation » Philippe Vion-Dury rappelle que les technologies numériques véhiculent une mythologie et une vision politique, sociale et économique. Ce qui a été imaginé par les premiers acteurs du cybernétique, comme Norbert Wiener, est aujourd’hui réalité. Cette réalité est incarnée par des capacités liées au « big data », au « machine learning », à l’intelligence artificielle, et permet une collecte d’informations sur les internautes, une notation, une analyse, et des possibilités de prédiction, qui nous enferment dans une prison algorithmique. La présence et l’impact du numérique englobent tous les aspects de la vie et est donc « totalisante ». Cela résume bien le message de l’auteur.
Chapitre I : Une réalité intégralement personnalisée
« Les algorithmes sont devenus les architectes de notre univers numérique, et donc en partie de notre univers physique. »
1— Le secret du succès des GAFA
Au départ, Google voulait se baser sur la structure démocratique du web. Mais un changement fort est intervenu en 2009 (matérialisé par un billet publié le 4 décembre sur le blog de l’entreprise). Le moteur enterre la vieille version du page rank, et annonce que les résultats seront personnalisés. À partir de là, Google n’aura de cesse de créer des outils dont la vocation ultime est de collecter des informations sur les internautes pour optimiser cette personnalisation.
Amazon a suivi un parcours similaire dans le sens où l’entreprise a changé de « modèle » : après s’être appuyé sur des recommandations humaines pour ses livres, elle est passé à une automatisation algorithmique des recommandations. Idem pour Facebook avec la production des fils d’actualité. Dans les trois cas, l’individu internaute est utilisé, plus comme produit (sources d’informations) que comme client.
2— La course à la personnalisation
Le procédé est ancien. Philippe Vion-Dury rappelle le célèbre cas du magasin Target, qui illustre la force du profilage des consommateurs. Ce profilage, et la publicité ciblée qui en découle sont le moteur de l’internet. Plus l’offre sera personnalisée, plus elle aura des chances de satisfaire l’internaute.
3— Un monde sans surprise
Le premier corolaire négatif de ce profilage puissant et constant dans le web est l’enfermement de l’internaute. Cet enfermement a notamment été popularisé par les écrits d’Eli Pariser sur la « bulle filtrante » et la « chambre d’écho ».
Le second corolaire est le risque que les plateformes financent et offrent ce qu’elles pensent marcher auprès de leur public (qu’elle connait donc intimement). Cela ne peut entrainer qu’une baisse de la diversité. « La consommation en ligne permet de collecter des données sur les goûts de la population afin de les comprendre et de les anticiper pour satisfaire la demande du client ». C’est ce que l’auteur appelle « l’effet Shazam ». Concrètement, on pourrait imaginer que les producteurs de musique ou de films (Netflix), … ne créent plus que des produits dont ils savent pertinemment que cela correspondra parfaitement aux goûts de leur public. Exit la création non conforme. Adieu la sérendipité. Bonjour l’analyse de plus en plus fine de la personnalité. L’internaute « est appelé à être simple spectateur halluciné d’un environnement ou tout est calibré pour lui, où plus il contemple moins il vit ». C’est le Meilleur des Mondes d’Aldous Huxley.
Troisième corolaire négatif, la personnalisation constitue un « puissant vecteur de normalisation ».
Bonne lecture !
Sur le même sujet, on pourra lire : « Réseaux libertés et contrôle » de Benjamin Loveluck.
Suite de ma note de lecture :
- Chapitre II : Les écosystèmes de manipulation
- Chapitre III : La machine à gouverner
- Chapitre IV : La société de contrôle intégral
Jérôme Bondu
