Comment lutter contre la malbouffe ? Christophe Brusset a écrit un nouveau livre argumenté, plaidoyer pour une nourriture saine. C’est un « manifeste qui frappe juste et redonne espoir ». Voici une note de lecture en deux parties. Je précise que cette note de lecture cherche à refléter la pensée de l’auteur. Les passages entre guillemets sont copiés du livre. Voici ci-dessous la seconde partie (lire la première « La malbouffe contre-attaque » ).
Lutter contre la malbouffe
13. Une propagande bien huilée.
Christophe Brusset détaille ensuite les pratiques des grands industriels, comme le financement de recherches. Je renvoie à Lobbytomie de Stéphane Horel qui détaille bien ces pratiques.
Dans une partie intitulée « virtuoses du pipeau » il détaille les « mensonges et astuces sournoises » des grands industriels de la malbouffe. En voici cinq exemples :
– Quand on lit sur un produit des messages encourageants comme « 15% des apports journaliers », l’auteur alerte sur le fait que bien souvent, il faudrait en manger bien plus qu’une portion pour atteindre réellement l’apport journalier.
– Si on voit qu’un produit est bon sur un point, par exemple « moins de sel », on pense qu’il est bon sur d’autres points. Ce peut être en réalité un message leurre… C’est une variante de l’effet de halo (bien connu en psychosociologie).
– Certains produits se vantent d’apporter un bénéfice … en réalité inutile. Par exemple les produits qui luttent contre des carences en fer, calcium, phosphore … qui sont en réalité « rares dans la population générale ».
– Mettre dans un produit déséquilibré (par exemple avec trop de sucre) un produit valorisant (par exemple un fruit).
14. Au prix d’un appauvrissement général.
Nos paysans ont été relativement protégés par la PAC de 1962 à 1992 « date de sa réforme traîtresse pour se soumettre aux injonctions des États-Unis et de l’Organisation mondiale du commerce ». Depuis « nous délocalisons et importons massivement de pays sans protection sociale, sans contraintes environnementales et réglementaires, et qui pratiquent une concurrence déloyale ».
Cela entraine une uniformisation des produits qui provoque la disparition de plantes. L’Homme « a domestiqué environ 7000 plates alimentaires », mais nous n’en cultivons principalement neuf. « Pire, trois seulement ; le blé, le maïs et le riz fournissent plus de la moitié des calories mondiales ».
Où se font nos approvisionnements ? En Chine par exemple … « les tomates destinées à la fabrication de concentré dans le Xinjiang sont récoltées par des armées d’esclaves ». Autre exemple, en Thaïlande. « En 2015, a éclaté le scandale des pêchers esclaves (…) dont le nombre était estimé à 17 000 ». Vous en voulez encore ? L’Espagne et sa « mer de plastique » emploierait « 145 000 migrants sans papiers ». En Italie ce serait au moins « 510 000 migrants irréguliers qui y sont exploités ». Gloups…
On lit en fin de chapitre ce qui pourrait être la conclusion du livre : « Produire une nourriture à bas cout et de mauvaises qualités dégrade notre environnement et nuit à la biodiversité, fait exploser les dépenses de santé pour la collectivité, ne permet pas aux travailleurs de vivre correctement, provoque une dépendance aux importations et de l’insécurité alimentaire, et favorise l’exploitation de la détresse humaine ». Tout est dit.
15. Tricher jusqu’au bout.
L’industrie de la malbouffe contourne les règles et l’éthique.
– Par exemple, en achetant des droits à polluer, véritables indulgences écologiques (lire sur le trafic des indulgences).
– Ou en compensant ses dépenses en carbone. Mais souvent ces compensations ne replantent aucun arbre. En fait, de l’argent est donné à des acteurs locaux pour qu’ils arrêtent de détruire la forêt.
– Ou en faisant de l’agriculture raisonnée, qui est selon l’association écologiste « Génération » ni plus ni moins « qu’une forme d’agriculture conventionnelle chimiquement intensive, mais … qui respecte la loi ». Ou avec la certification HVE (Haute valeur environnementale) qui serait « une grosse arnaque » selon l’auteur.
L’auteur rêve d’appliquer aux acteurs de la malbouffe le même principe qu’aux pollueurs : empoisonneurs-payeurs !
16. De Bruxelles à Paris.
Il attaque le chapitre fort : « Note pays a abandonné l’essentiel de sa souveraineté à l’Union européenne ». « Sous l’impulsion intéressée des États-Unis, l’Union a adopté sans réserve l’idéologie mondialiste et affairiste : le bonheur serait dans l’abondance de biens matériels et la surconsommation. » Bien sûr, cela passe aussi par des tonnes de publicité des industriels de la malbouffe pour nous faire avaler n’importe quoi. D’où ces dépenses faramineuses. « Selon Kantar TNS, les enseignes de distribution alimentaire sont les plus gros annonceurs. Elles ont dépensé plus de 8,7 milliards d’euros en publicité en France en 2021 ».
17. Surtaxer la malbouffe, une bonne idée ?
Oui, selon Christophe Brusset. Cela a un effet notable dans certains cas. Par exemple, au Mexique où un prix élevé d’un produit est réellement rédhibitoire, cela a fonctionné.
18. C’est décidé, j’arrête la malbouffe.
Christophe Brusset appel à un sursaut citoyen : s’informer, acheter local, acheter bio, cuisiner …
Épilogue. Comment lutter contre la malbouffe ?
Dans ce dernier chapitre, il concentre ses conseils :
Dans le domaine institutionnel :
– Regrouper en une seule et unique autorité les institutions chargées de la sécurité alimentaire.
– Renforcer les politiques de contrôles publics.
– Redéfinir la règlementation concernant les autocontrôles, renforcer la surveillance et les sanctions.
– Exiger la réciprocité dans les accords commerciaux internationaux.
Concernant la prévention :
– Limiter ou interdire la publicité pour la malbouffe, surtout celle ciblant les enfants.
– Accentuer l’éducation nutritionnelle à l’école.
Pour ce qui est des mesures économiques :
– Taxer fortement les produits malsains, surtout les boissons sucrées.
– Favoriser les exploitations agricoles de taille humaine.
– Mieux répartir la valeur ajoutée des produits alimentaires entre producteurs, industriels et distributeurs.
Dans le domaine sanitaire :
– Interdire les additifs cancérigènes.
– Soumettre les auxiliaires technologiques aux mêmes règles que les additifs.
Et pour plus de transparence et de démocratie :
– Rendre obligatoire l’indication de l’origine géographique sur les emballages.
– Lutter contre l’influence des lobbies, idéalement les interdire.
– Mieux protéger les lanceurs d’alerte et lutter contre les procédures baillons, spécifiquement le « dénigrement ».
– Durcir la règlementation du bio et supprimer le label HVE.
En conclusion, c’est un ouvrage passionnant, écrit par un passionné. À lire et à mettre en pratique pour Comment lutter contre la malbouffe. « La malbouffe contre-attaque » est paru en octobre 2022 et édité chez Flammarion. Voir l’interview de Christophe Brusset sur ThinkerView.
Jérôme Bondu