J’ai lu (enfin j’ai essayé) « Dans la disruption : Comment ne pas devenir fou ? » de Bernard Stiegler édité en 2016.
Comment ne pas devenir fou
J’ai acheté le livre suite à sa très intéressante interview sur ThinkerView. Bernard Stiegler est philosophe. Fondateur du groupe Ars Industrialis et de l’école en ligne pharmakon.fr , il dirige également l’Institut de recherche et d’innovation (IRI) qu’il a créé au sein du centre Georges-Pompidou. Ses recherches portent sur les enjeux des mutations sociales, politiques, économiques, épistémologiques et psychologiques provoquées par le développement technologique et scientifique lié à la « révolution numérique ». Il est l’auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels L’emploi est mort, vive le travail ! entretien avec Ariel Kyrou (Fayard / Mille et une nuits) ou La Société automatique (Fayard).
Il a dirigé l’ouvrage collectif « La toile que nous voulons » que j’ai chroniqué.
J’ai trouvé l’ouvrage très difficile à lire. Et je dois avouer que je suis rapidement passé en mode de lecture transversale, picorant les premières lignes de chaque paragraphe. Voici ci-dessous la 4ème de couverture, et plus bas quelques références d’articles qui synthétisent bien sa pensée :
4ème de couverture
Guerre économique
Pour les seigneurs de la guerre économique, dans la disruption, qui est « un phénomène d’accélération de l’innovation (…), il s’agit d’aller plus vite que les sociétés pour leur imposer des modèles qui détruisent les structures sociales et rendent la puissance publique impuissante. C’est en quelque sorte une stratégie de tétanisation de l’adversaire. » Face à la disruption ainsi imposée, les systèmes sociaux arrivent toujours trop tard pour s’emparer des évolutions technologiques, devenues foudroyantes depuis la révolution numérique.
Devant cet état de fait, qui impose d’innombrables vides juridiques aussi bien que théoriques instaurant un non-droit qui est une sorte de Far West technologique, les individus et les groupes sont totalement désemparés – souvent au point d’en devenir fous, individuellement ou collectivement, et donc dangereux. La concrétisation de ce que Nietzsche décrivit comme la croissance du désert nihiliste laisse les humains du XXIe siècle sans autre perspective que la rencontre prochaine des limites de l’Anthropocène.
Que faire de cette folie ?
Que faire de cette folie, dans cette folie ? C’est en partant de cette question que Bernard Stiegler relit ici Michel Foucault (Folie et déraison. Histoire de la folie à l’âge classique) et Jacques Derrida (Cogito et histoire de la folie), tout en les confrontant aux analyses de Peter Sloterdijk et Jean-Baptiste Fressoz montrant que le capitalisme constitue avant tout un processus de désinhibition.
L’auteur conduit ces lectures ou relectures à partir de la folie dont témoigne son propre parcours, tout en ouvrant la question d’une nouvelle philosophie morale – à l’époque sans époque de ce qu’il appelle la « génération Strauss-Kahn », qui est une « absence d’époque », imposant une démoralisation généralisée qui ne saurait durer.
Autres références
Le Temps fait un très bon résumé du livre ainsi qu’une interview très intéressante de l’auteur.
Je recommande aussi cet article de Usbek & Rica.
Edition Les Liens qui Libèrent, Paris 2016 – 480 pages.
Jérôme Bondu