J’ai lu « Capital et idéologie », bande dessinée de Claire Alet et Benjamin Adam, et écrit d’après le livre de Thomas Piketty.
C’est une BD très dense, avec beaucoup d’informations. Je pense que les auteurs ont voulu vulgariser les idées de Thomas Piketty, mais sans trop réduire son propos. Le fil conducteur de la BD est une famille sur huit générations, dont nous suivons une vingtaine de membres. Les ancêtres se sont enrichis avec la traite négrière. De vous à moi, je trouve ce choix très clivant. Il y a quand même eu d’autres moyens de s’enrichir dans le passé. Passons… Leurs enfants et petits-enfants vivent sur la fortune accumulée. Une partie de la famille vit un glissement sur la gauche de l’échiquier politique. Et leurs descendants, qui vivent à notre époque, comprennent petit à petit le rôle du capital de la fortune familiale initiale.
Colonialisme
Le sujet de la BD est la rétribution du capital. Mais un des éléments marquants est la présentation du colonialisme. Et surtout des arguments utilisés pour promouvoir, durant les siècles précédents, le colonialisme. Ces arguments visent toujours à présenter les institutions à remplacer (donc celles des autochtones) comme archaïques, compliquées et inefficaces.
– Le colonialisme a d’abord été religieux : la religion à remplacer était présentée comme archaïque, compliquée et inefficace … Par exemple en dénonçant le rôle des chamanes.
– Le colonialisme a ensuite été économique : le système à remplacer était présenté là aussi comme archaïque, compliqué et inefficace … Par exemple en présentant les systèmes économiques des colonisés beaucoup moins efficaces que ce qu’a permis la révolution industrielle en Europe.
– Le colonialisme a enfin été civilisationnel : la société à remplacer était, encore et toujours, présentée comme archaïque, compliquée et inefficace … Par exemple le système des castes en Inde.
Ce que dit la BD, c’est que le remplacement de ces structures réputées archaïques, compliquées et inefficaces (n’ayons pas peur de la répétition) s’est souvent soldé par des résultats « mitigés ». Ainsi, la volonté des Britanniques de remplacer le système de caste a été un échec patent.
Je me suis demandé, à la lecture de cette BD, si les GAFAM n’étaient pas en train de nous faire le coup. En présentant le mode d’organisation actuel comme archaïque, compliqué et inefficace … Vous voyez l’idée !
– En gros, je me suis demandé si le nouveau colonialisme n’allait pas être numérique : le système à remplacer (le nôtre) n’est-il pas présenté par les GAFAM comme archaïque, compliqué et inefficace … Par exemple notre système de représentation démocratique, notre système de santé…
Rétribution du Capital et idéologie
Rétribution du capital
Mais ce focus sur le colonialisme un détail de la BD. Le fond porte sur la juste rétribution du capital, et l’imposition juste. Les premières pages expliquent que la Révolution française a donné naissance à une société propriétariste. Et que l’imposition proportionnelle pénalisait en réalité les plus pauvres. Il a fallu les dégâts des deux Guerres mondiales pour que l’imposition devienne progressive.
Propositions
La BD se finit par des propositions :
– La propriété sociale du capital.
– La propriété temporaire du capital.
– La construction d’une Europe sociale et fédérale.
– La mise en place de bons pour l’égalité démocratique. Idée défendue par Julia Cagé, nouvelle compagne de Thomas Piketty (que j’avais déjà écouté sur ThinkerView).
– La mise en place d’une taxe carbone progressive et individuelle.
– Un capital personnel d’éducation et de formation.
La BD est très intéressante pour aborder, simplement et facilement, les idées de Thomas Piketty, et comprendre certains rouages du fonctionnement de la société.
Autres bandes dessinées
Et voici quelques autres présentations de bandes dessinées dans mon blog :
- Le monde sans fin. Réflexions écologiques.
- Cher pays de notre enfance. sordides affaires politiques.
- Cigarette dossier sans filtre. Réquisitoire contre les cigarettes.
- XIII . Géopolitique en BD.
Capital et idéologie est édité par le Seuil.
C’est intéressant à lire…
Jérôme Bondu
