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Gestion des risques

Compte rendu conférence: dimension criminelle de la crise financière

By 28 novembre 2009juin 4th, 2022No Comments
crime et crise financière

Compte rendu de la conférence organisée par le Club Patrimoine & Club IES de l’IAE de Paris Alumni sur le thème :

La dimension criminelle de la crise financière

Animé par M. Xavier Raufer.
Compte-rendu rédigé par  Jérôme Bondu
Conférence du 6 octobre 2009

Thèmes abordés :

  • Crime et crise financière
  • L’origine et la logique des mafieux.
  • L’activité criminelle et le mode opératoire dans les entreprises, notamment financières.
  • L’impact du crime organisé et du blanchiment d’argent.
  • L’idéologie libérale et le monde criminel.

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Présentation de Xavier Raufer 

Xavier Raufer est Docteur en Géopolitique ; Chargé de cours à l’Institut de Criminologie de Paris ; Directeur des études du Département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines ; Chargé de cours à l’Ecole des officiers de la Gendarmerie nationale (Melun, France) ;
Professeur associé à l’Ecole Supérieure de Police Criminelle de Chine (Shenyang, Chine) ; Directeur de recherches associé au Centre de recherche sur le terrorisme et le crime organisé, Université de Sciences politiques et de Droit (Beijing, Chine). Il est aussi directeur de collection à CNRS-Editions, et conseiller éditorial aux Editions Odile Jacob.

Présentation de l’Institut de criminologie

Xavier Raufer a présenté dans un premier temps le département de recherche de l’institut de criminologie. Cette structure s’intéresse notamment aux phénomènes émergents, et aux aspects préventifs.

Parmi les éléments saillants de sa présentation, l’intervenant a dit ne jamais travailler à partir des sources de la police, pour éviter le risque de « pensée circulaire ». L’Institut a ses propres sources d’informations, notamment auprès des anciens élèves.

Quelles évolutions dans le monde criminel ?

L’Institut travaille sur les formes collectives de criminalité et les phénomènes de récidive. Il suit les évolutions dans le monde de ce qu’il appelle « la face noire de la mondialisation » (titre de son dernier ouvrage).
Suite à la chute du mur de Berlin, et à « d’autres murs », il y a eu un « appel d’air » pour la criminalité en Europe de l’Ouest. La première mondialisation a été celle des phénomènes criminels. L’intervenant nous cite un exemple : il y a eu il y a quelques mois dans le sud de la France l’interception de 80Kg de cocaïne et l’arrestation du chef du gang. Il s’agit d’un kurde d’Iran, ayant un passeport suédois, ayant des activités licites (restaurants) à Madrid, et qui contrôle une équipe parfaitement internationale et interculturelle (dans laquelle on retrouve quelques citoyens français).
La grande évolution des phénomènes criminels est donc sa parfaite internationalisation ! Internationalisation qui est plus aboutie que celle de l’économie, des politiques, ou des polices? Nous verrons pourquoi plus loin.

Quelques exemples issus du trafic des drogues de synthèse

Internationalisation du commerce des drogues

L’internationalisation du commerce des drogues peut être saisie à travers quelques exemples :
– D’abord les sommes sont colossales : Quatre vingt dix pourcent de ce qui rentre d’illicite en Europe passe par la « route des Balkans ». Sur la base de ce qui est saisi sur cette seule route, on peut calculer que les profits de la vente d’héroïne se montent à 120 million d’euros par mois.
– Ce type de business est attrayant aux yeux des criminels. Le taux de profit est de 70% (« produit à 30, vendu à 100 »). C’est de la chimie lourde et les matières premières sont courantes (éther, kérosène, ?).
– La diffusion de drogue est facteur important de destruction de la vie sociale. Les sommes d’argent qui rentrent dans ce circuit criminel perturbent l’économie réelle.

Il n’y a pas de solution simple au problème de crime et crise financière

– Il a souvent été démontré que la prohibition entraine (ou tout le moins encourage) le trafic. Prenons l’exemple des cigarettes. L’augmentation du prix a généré de nouveaux trafics : Il y a d’une part le trafic de « vraies » cigarettes. Celles achetées dans des pays où elles sont moins chères, pour être revendues dans un autre pays où la différence de prix fera la marge. Il y a ensuite le trafic des cigarettes contrefaites, évidemment avec des produits de mauvaises qualités. Ce type de cigarettes est cinq fois plus cancérigène pour un adulte, et huit fois plus cancérigène pour un enfant ! Il y en a même dont le tabac provient de Tchernobyl?
– Le commerce illicite touche parfois de nombreux rouages de la société. L’estimation du préjudice porté à l’économie américaine par la vente de la drogue, est de 160 milliards de dollars (coûts directs et indirects : vente, désocialisation, hôpital, ?). Une étude a montré qu’à Washington 90% des billets de banque portent des traces de cocaïne !!
– L’argent de la drogue est plus lourd que la drogue elle-même. Le produit de la vente de 8kg d’ecstasy est de 85 kg en billets (donc dix fois plus lourd). Les sommes sont énormes et sont contrôlés par un nombre très restreint d’individus, qui ont mis en place une logistique digne des entreprises les mieux organisées. Le capital est très concentré.

Pourquoi la mondialisation du crime a-t-elle été plus rapide que la mondialisation de l’économie licite ?

Lois distinctes aux nôtres

Le monde criminel suit des lois distinctes aux nôtres. Il n’y a pas de lois, comme nous l’entendons. La seule règle, peut se résumer dans l’adage suivant « On décide, on fait ».
Là encore l’intervenant nous présente un exemple éloquent : Trois semaines après la chute du mur de Berlin, des proxénètes amènent des prostituées Russes et Polonaises dans les rues de Paris. Trois ans après ce même événement, les polices de ces différents pays commençaient à peine à coopérer. Tout simplement parce que l’organisation des polices passe par des décisions politiques, soumises aux aléas électoraux, diplomatiques,…

Moyens immoraux

– Outre la capacité d’action, les criminels usent des moyens immoraux, porté par des gens sans scrupule :
– D’abord l’intimidation. C’est une pratique très courante. Elle se fait par l’énoncé d’une phrase toute simple « On sait ou tes enfants vont à l’école ». C’est une pression invisible et terriblement efficace. Comment la victime peut-elle se plaindre ? A ce propos M. Raufer évoque cette anecdote : Un magistrat italien est nommé au pôle de Palerme. Le jour même de son arrivée, avant de se rendre au palais de justice, il se promène dans la ville, et boit un café. Au moment de vouloir régler la note, le garçon de café lui dit « Pour vous monsieur le juge c’est gratuit. Bienvenu à Palerme ». Le message est clair : il est repéré et est sous surveillance de la mafia.
– Le recours à l’assassinat est plus ou moins courant selon les milieux. Dans le monde de la finance crapuleuse, il est plutôt rare.

Quels liens entre crime et crise financière ?

Des liaisons dangereuses sont avérées entre criminalité organisée et finance mondiale :
Si l’affaire Madoff a été largement médiatisée, les médias n’ont reporté que l’écume des choses. Il faut savoir que le « bras droit » de Madoff n’était personne d’autre que
le conseiller du chef de la mafia de Boston ! Sur les 50 milliards de perdus, seuls 1,5 ont été retrouvés ! On peut avoir quelques intuitions sur l’utilisation qui a été faite du reste.

Il faut savoir aussi qu’il y a eu d’autres affaires Madoff, mais passées sous silence. Par exemple, M. Stanforf, auteur lui aussi d’une arnaque de grande ampleur avait blanchis les fonds d’un cartel marocain. Un autre financier du même type, M. Cosmo, était connu pour s’être fait rembourser ses dettes personnelles par ? une mafia locale. Preuve de l’interconnexion entre ces deux mondes.

Pourquoi la lutte contre ces activités est difficile ?

« Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. » Ce vieil adage résume bien la situation.
Selon M. Raufer, les instances supérieures sont dans le « déni hystérique » de ces liaisons.

Les relations et interconnexions sont nombreuses et avérées, nous dit le conférencier. Mais en nier l’existence, est le meilleur moyen de s’empêcher de pouvoir les résoudre. « L’Homme ne survit qu’à ce qu’il a compris » rappelle M. Raufer. On ne se donne pas les moyens de comprendre.
Pourtant, « casser le thermomètre ne fait pas guérir ».

Le danger est très réel pour nous. Il est mondial et dématérialisé. Mais il est aussi territorial. Les cartels sont implantés en Espagne, et la France est déjà touchée au sud.

Conclusion : Quelles solutions au problème de crime et crise financière ?

D’abord avoir une méthodologie : Les procédés des criminels sont toujours les mêmes. Ils sont donc repérables. La détection des « indices », permet un « diagnostic », qui lui-même permet le choix du meilleur « traitement ».

Mais la meilleure des méthodologies n’est qu’un cautère sur une jambe de bois s’il n’y a pas de volonté politique : On ne peut pas venir à bout du problème si on n’y prend pas conscience. Il faut donc une prise de conscience, qui doit venir en premier lieu de la sphère politique.

Dans tous les cas, il faut se méfier des méthodes de détection qui se basent sur des listes préétablies de noms.

En général l’intrusion d’activités criminelle dans une entreprise, comme par exemple la corruption, se fait par des voies peu visibles, très discrètes. Les criminels sont des gens très malins. Un porteur de valise est toujours précédé de personnes que l’on connait, familières. L’argent qui arrive est toujours préalablement blanchi. Si vous êtes l’objet de visées de ce type, il faut en rendre compte immédiatement à sa banque, son avocat, ou les autorités compétentes.

Sur le sujet crime et crise financière :

Jérôme Bondu

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