Bien malin celui qui pourrait devenir l’avenir de l’eau !
L’avenir de l’eau
Erik Orsenna a la sagesse de savoir poser des questions. Beaucoup de questions. Avec simplicité, sagacité, et parfois impertinence. D’un tour du monde de questions, il nous offre le récit des réponses obtenues. Son livre a l’allure d’un panorama des préoccupations des Hommes de tous les continents et des recettes pour maitriser les besoins en eau. Du Brésil à la Chine, de la France à l’Australie, d’Israël au Sénégal, l’académicien nous relate des conversations tenues avec des gens, souvent importants, qui luttent tous les jours contre les problèmes engendrés par la pénurie ou la surabondance (inondation) de l’eau.
L’avenir de l’eau se lit avec une facilité et un plaisir réel. Son propos coule de source.
On ne peut qu’être marqué par le récit de la chasse au choléra, maladie des eaux polluées à Calcutta ; par les problèmes du pays sans pierre qu’est le Bangladesh ; par le gigantisme des trente-deux turbines du barrage des Trois Gorges en Chine ; par la vision d’une mer de mercure, tant l’ondulation lourdes des vagues saturées de sel de la mer morte donnent l’impression d’une vaste étendue de métal liquide ; par la prise de conscience de l’avancée du Sahara ? en Espagne ; par les raisons historiques du développement de la culture du riz en Afrique, ?
Erik Orsenna, tel un chimiste, analyse l’eau pour en extraire les constituants, les éléments simples : notions de géopolitique, de géographie, d’histoire, de physique, de médecine, de botanique, de zoologie, ? tout y passe pour essayer de comprendre ce qui se passe. Et même notions d’intelligence économique.
Alstom et les barrages
Pour preuve : page 177, il relate la conversation avec un ingénieur d’Alstom qui lui fait la visite du barrage des Trois Gorges en Chine :
Extrait :
« L’ingénieur : Quatorze ! Quand tout sera fini, le barrage en comptera trente-deux. Et nous en avons construit et posé quatorze. Quatorze signés Alstom. Mais les dix-huit autres, d’après vous ? Ce sont des copies d’Alstom. Pour signer les contrats des quatorze, il a fallu livrer les plans, tous les plans. Ils n’ont eu qu’à reproduire. Vous savez, ce qui me fait de la peine, enfin quand je dis de la peine ? c’est qu’Alstom n’est cité dans aucune histoire du barrage, dans aucun document. Vous avez vu le nom d’Alstom sur un seul des panneaux ? Jamais. A croire que les Chinois ont tout fait seuls !
…
Erik Orsenna : Alors, notre industrie n’a plus aucune chance ?
L’ingénieur : Il nous reste l’expérience, seulement l’expérience. Notre bureau d’études a cent ans. La Chine moderne en a vingt. Mais elle rattrape vite son retard. Il nous reste encore un peu d’avance, juste un peu? ».
Des extraits de conversation comme celui, il y en a des centaines au cours des 400 pages que compte l’ouvrage. Sur tous les plans et tous les niveaux. Cette incursion dans le domaine de la propriété industrielle et de l’intelligence économique est la preuve de l’éclectisme et de l’ouverture de l’auteur.
Je vous recommande chaudement L’avenir de l’eau livre fertile qui a le don d’irriguer notre compréhension du monde.
Sur le même sujet, on pourra lire le compte rendu de la conférence de Jean-François Donzier au Rotary, une synthèse sur la guerre de l’eau, ou encore une note de lecture « L’or bleu : L’eau, le grand enjeu du XXIème siècle« .
Jérôme Bondu
NB :
– En juin 2009, j’organiserai dans le cadre du Club IES une conférence sur l’intelligence économique et le développement durable.
– L’auteur a posté des extraits de son ouvrage sur son blog.