Jean-Pierre Bernat est intervenu le 23 septembre au Club IES pour une conférence sur l’historique de l’Intelligence économique. Il nous a laissé la liberté d’utiliser son texte. Le paragraphe ci-dessous correspond à la huitième et dernière partie sur l’hyper connectivité.
L’art pour l’art : l’hyper connectivité
Nous nous contenterons ici de reprendre la vision de Toffler : la tendance des pays high-tech les pousse à une hyper connectivité, les entraînant vers une douloureuse phase de déconstruction et de reconstruction économiques. Des sociétés géantes et des bureaucraties gouvernementales se réorganisent, éclatent ou perdent de leur importance. De nouvelles voient le jour, qui prennent leur place. De petites unités en tous genres se multiplient et forment des alliances et des consortiums temporaires, quadrillant la société d’organisations modulaires qui peuvent se connecter ou se déconnecter.
A mesure que la société de masse elle-même se « démassifie », les marchés se fragmentent en segments toujours plus petits. L’hyper connectivité produit un paradoxe stupéfiant et méconnu. Ce sont le Japon, les États-Unis et l’Europe qui ont besoin du plus de liens, de plus de relations de forte interdépendance avec le monde extérieur pour soutenir leurs économies avancées.
Ainsi créons nous un monde fort étrange dans lequel les pays les plus puissants sont aussi les plus tenus par leurs engagements extérieurs. En ce sens il est surprenant que les plus puissants sont aussi les moins libres. Moins tributaires de liens extérieurs, les petits États ont moins de ressources, mais ils peuvent souvent les déployer plus librement, ce qui permet à certains micro-états de gagner de vitesse sur les États-Unis.
Quelques réflexions en guise de conclusion
En fait, ce rapide survol historique nous montre bien que l’histoire de l’intelligence économique est aussi vieille que celle de l’espèce humaine avec laquelle elle se confond ; Si l’homme n’avait pas été curieux il aurait sans aucun doute été condamné à reproduire machinalement les faits et gestes de ses ancêtres sans trop s’interroger sur leur signification initiale et ainsi il aurait ajouté son espèce à la longue liste des espèces animales qui survivent tant bien que mal dans un univers hostile et compétitif. Mais il a su observer, et partant développer nombre de théories, pour comprendre « comment cela marchait », pour anticiper la pensée, donc le mouvement des ses différentes proies ou prédateurs et chemin faisant pour non seulement survivre mais, se développer. C’est ainsi que l’observation et le constat d’actes répétés a donné accès à des embryons de théories, génératrices elles-mêmes de stratégies applicables à l’aide de diverses tactiques.
Certes il nous faut constater que d’une part il a poussé le « raffinement » jusqu’à utiliser ce penchant dans des applications contre sa propre espèce (ce qui est un fait assez rare dans le monde animal), acte qui fut à l’origine des premiers conflits mais également que l’amélioration continue de ces méthodes et des outils mis au point pour leur application en ont fait un redoutable prédateur non seulement pour les espèces environnantes mais aussi pour l’ensemble du biotope dans lequel il évolue.
Mais en abordant ce sujet nous passons de la description historique à des considérations d’ordre philosophique voir éthiques ce qui est l’objet d’un tout autre débat.
Jean-Pierre Bernat
Voir les autres articles de Jean-Pierre Bernat
- Histoire de l’IE (1/8): Sun Tzu
- Histoire de l’IE (2/8): Attila et la ligue hanséatique
- Histoire de l’IE (3/8): Le Japon et Venise
- Histoire de l’IE (4/8): De Richelieu à Bonaparte
- Histoire de l’IE (5/8): L’Angleterre victorienne
- Histoire de l’IE (6/8): Mao et la stratégie chinoise
- Histoire de l’IE (7/8): La guerre de l’info
- Histoire de l’IE (8/8): L’hyper connectivité
Sources
Les principales idées émises dans cet article sont extraites des ouvrages suivants :
- Sun Tse : L’art de la guerre (traduit par Jean-Jacques Amiot) | Le Grand Livre du Mois Editeur.
- M. Musashi : Ecrits sur les cinq roues (traduit par M et M Shibata) | Le Grand Livre du Mois Editeur.
- N. Machiavel : Le Prince (traduit par Jean-Vincent Périès) | Le Grand Livre du Mois Editeur.
- Les Trente-Six Stratagèmes (traduit par François Kircher) | Rivages poche/Petite Bibliothèque éditeur.
- Han-Fei-tse ou le Tao du Prince (traduit par Jean Lévi) | Editions du Seuil.
- J-M Mathey : Comprendre la stratégie | Editions Economica.
- B Castiglione : Le livre du courtisan (traduit par Alain Pons) | Editions Gérard Lebovici.
- B Gracian : L’art de la prudence (traduit par Amelot de la Houssaie) | Le Grand Livre du Mois Editeur.
- A et H Toffler : Guerre et contre-guerre (traduit par Pierre-Emmanuel Dauzat) | Fayard Editeur.