J’ai lu hier matin l’article des Echos « La scission de TechnipFMC se concrétise ». Pour mémoire, l’entreprise FMC a racheté il y a quelques années l’entreprise française Technip. L’article semble au premier abord pondéré. Mais une lecture critique montre qu’il passe à côté d’une partie du sujet. Explications :
Article au premier abord pondéré
L’article semble en première lecture faire un bon travail journalistique. Il fait notamment part des craintes de la partie française en soulignant que l’entité basée aux Etats-Unis risque de « s’approprier les brevets des activités sous-marines » du groupe. Il cite les syndicats qui s’alarment de l’avenir de la R&D. Bon, c’est noté. Mais est-ce que l’article traite pour autant bien le sujet ?
Absence de recul critique
Quand on a lu les livres d’Ali Laïdi et celui de Frédéric Perucci, on ne peut que s’étonner que l’article ne cite pas l’origine de ce rapprochement entre le champion français Technip et l’entreprise FMC. FMC était à l’époque du rapprochement, plus petite que la Française et en moins bonne santé. Du coup je vais m’y coller :
Retour en arrière
– En vertu de la loi FCPA, nos amis américains se sont arrogés le rôle de gendarme du monde en matière de corruption.
– Mais derrière cette façade de « Monsieur propre » se cache une arme de guerre économique dont la finalité inavouée est d’attaquer les entreprises européennes. Je dis bien Européennes, car le palmarès des sanctions montre clairement qui est la cible. Nous autres Européens sommes largement moins vertueux que l’Afrique, l’Asie (Chine comprise) et l’Amérique du Sud réunies. Du moins si l’on en juge par le montant et le nombre de nos condamnations … Honte à nous …
– Remontons le temps : Le juge français Renaud Van Ruymbeke a détecté il y a quelques années qu’un consortium d’entreprises (dont l’américain Halliburton et le Français Technip) avait payé des pots de vins au Nigéria. Il en a averti ses homologues outre-Atlantique. Les Américains ont alors demandé à la France de se dessaisir du dossier. Résultats des courses, ils ont fait payer en 2010 une amende de 335 millions de dollars au Français. Le mieux est d’écouter Frédéric Pierucci en parler dans son interview sur ThinkerView (écouter à 1h11min). Voir aussi l’article de la Tribune.
– Cette mise en difficulté de l’entreprise française a été le prélude au mouvement de rachat par FMC. Bravo les gars, bien joués !
Revenons à l’article des Echos
– Passer sous silence cet historique est pour le moins délicat. Car il ne donne pas la bonne vision de la scission de TechnipFMC au lecteur. À la lumière du passif subi par Technip, il faut scruter à la loupe les termes de l’accord de scission, et se demander si cette séparation ne serait pas l’aboutissement réel de la stratégie de prédation de nos rivaux américains. Absorber la proie. La digérer. Et recracher les éléments inutiles.
– Il y a trois manières de manipuler l’information : sur-informer (pour noyer le poisson), dés-informer (placer des éléments faux dans un contexte vrai) ; sous-informer (masquer sciemment des éléments). Le journalisme marche sur une ligne étroite.
Jérôme Bondu
Lire d’autres décryptages de la presse :
– A lire : Les GAFA s’immiscent dans les systèmes de santé publique. Article des Echos
– A lire : Les géants de la technologie se ruent sur la santé, article du Figaro