J’étais à l’EGE le 28 mai pour animer une conférence sur le thème « L’intelligence artificielle au service de l’intelligence économique ». On m’y a donné le livre « Apprendre à penser autrement », cahier n°8 de l’École de Guerre économique, que j’ai lu dans les jours qui ont suivi. Ce petit livre très intéressant est un condensé de ce que représente l’EGE. Je vous en livre une petite synthèse personnelle, et bien sûr, non exhaustive.
Apprendre à penser autrement
Dans l’édito, Christian Harbulot rappelle les spécificités de l’École de Guerre économique. Il souligne que l’école a toujours mis en avant l’influence comme pilier majeur de leur enseignement. Et il se réjouit que depuis peu le président Macron ait érigé l’influence au rang de « fonction stratégique ».
Dans l’article « Un point méconnu de l’intelligence économique », Christian Harbulot revient sur les révélations des livres édités par le CR451 « Comment gagner » « Qui est l’ennemi » Il y rappelle son passé (ancien militant maoïste) et sa rencontre avec des anciens de la DGSE / SDECE, et notamment le général Alain Gaigneron de Marolles. Je cite : « Il devient alors évident pour nous deux, que les enseignements tirés de la culture du combat de faible étaient transposables dans le domaine économique ».
La genèse de l’EGE
Dans le dossier spécial École de Guerre économique, Christian Harbulot et Charles Pahlawan continuent d’éclaircir la genèse de l’EGE : la rencontre avec Edith Cresson. Les échanges avec les généraux Gaigneron de Marolles, Mermet et Pichot-Duclos. Les difficultés à faire adopter une nouvelle grille de lecture au pouvoir politique, à l’administration, au monde académique. Tous sourds et aveugles face aux nouveaux enjeux. Parallèlement, le monde avance. Et les États-Unis continuent de remplacer l’Europe comme pôle de référence mondiale de production de connaissances. Le constat que fait l’EGE est limpide et tient en deux-points :
– « Les puissances économiques les plus performantes sont celles qui ont fait de l’information une arme stratégique. »
– « Le passage de la géopolitique à la géoéconomie s’est accompagné d’une mutation du monde du renseignement qui passe de la gestion de la guerre froide à la gestion de la guerre économique ».
Corpus académique pour apprendre à penser autrement
L’EGE avance avec des acteurs moteurs, comme le chercheur Ali Laïdi qui a publié une « Histoire mondiale de la guerre économique » ou « Histoire mondiale du protectionnisme »
Mais la fonction publique campe sur ses positions avec une culture résumée de la manière suivante : « la culture de la rentrée fiscale, la stratégie de l’emprunt à bas taux et la référence systématique aux chiffres, c’est-à-dire aux statistiques »
L’EGE créé un corpus pratiquement ex nihilo tant la recherche académique dans le domaine est inexistante en France : l’EGE créé l’analyse par les échiquiers, la méthode PMT (puissances, marchés, territoires)… Les étudiants travaillent sur des cas réels, et publient et communiquent leurs résultats (affaire Gemplus, sel de Guérande, contrefaçons d’origine chinoise du fois gras, politique énergétique allemande, agriculture cellulaire américaine …).
Réalités de puissance et de dépendance
L’idée est de sortir de l’écran de fumée de la pensée anglo-saxonne qui a sciemment gommé les réalités de puissance et de dépendance (car cela aurait forcément souligné le danger d’une Amérique impériale). Écran de fumée, dont les universitaires se sont fait les porte-parole involontaires. L’influence culturelle anglo-saxonne s’est propagée en plusieurs étapes :
- Via les nouveaux concepts pédagogiques (marketing, management …).
- Via la prise de contrôle du mode de validation de la connaissance scientifique par la notation des articles dans les revues.
- Via la réforme du mode d’enseignement supérieur.
L’EGE est aussi une aventure humaine, et un réseau d’intervenants et d’anciens élèves (3000 à ce jour) puissant et organisé (AEGE, les clubs, les carrés, …). Comme on peut le lire dans le livret, l’EGE est « une communauté, une tribu, une famille ».
Deux articles viennent clôturer ce récit :
– Nicolas Moinet évoque le piège américain décrit par Pierucci et le traquenard écrit par Jean Boustani.
– Ali Laïdi évoque les menaces qui pèsent sur la grande distribution européenne.
Autonomie de réflexion
Conclusion : ce petit livret est riche d’enseignements sur la création de l’école, les services qu’elle rend en matière d’autonomie de réflexion face au rouleau compresseur culturel américain, sur la formation, et l’avenir. Une lecture salutaire pour apprendre à penser autrement. Et a avoir en poche avant d’aller au gala de l’EGE jeudi prochain à l’École Militaire. Vous êtes inscrit j’espère ? On s’y retrouve pour renforcer le réseau ?
Jérôme Bondu