J’ai lu avec plaisir l’étude de Mathieu Andro et d’Arnaud Jehan « Intelligence économique une discipline endémique à la francophonie« . Mathieu a notamment fait un très beau travail de benchmarking des plateformes de veille, qui s’est matérialisé par le site Plateformes-de-veille.org/. L’étude qui vient d’être publiée est un travail intéressant qui permet de mesurer le volume de publications en français et en anglais sur le sujet de l’intelligence économique. Ce livre blanc est publié par Veille Mag. Plusieurs points ont attiré mon attention :
Enseignements
Chine
On y découvre la place importante de la recherche en Chine, derrière les États-Unis. Les anciens se rappellent sans doute qu’entre les années 2000 et 2010 il n’était pas rare d’avoir des Chinois dans les grandes réunions en intelligence économique en France. Comme dans beaucoup d’autres domaines, les Chinois ont puisé à la source. Ali Laïdi rappelle notre naïveté collective dans son livre « La Chine ou le réveil du guerrier économique chinois ». Nous étions fiers d’avoir des visiteurs chinois, sans penser qu’ils utiliseraient toutes les ressources de l’intelligence économique à leurs profits.
Francophonie
Dans la francophonie, c’est le Maroc qui suit la France. Ce qui n’est pas étonnant vu l’investissement du royaume chérifien dans le domaine. J’avais mené un voyage d’études en 2004 alors que j’étais directeur de l’IFIE. Et nous avons pu mesurer l’intérêt fort du pays pour la discipline.
Abdelmalek Alaoui était intervenu en 2009 au Club IES. Et je me rappelle d’une de ces formules « Il faut surveiller comme les Chinois, analyser comme les Français, et agir comme les Américains ».
Les auteurs universitaires les plus prolixes sont Nicolas Moinet et Christian Marcon, dont vous avez pu lire de nombreuses notes de lecture sur ce blog (notamment Stratégie réseau).
Méthodes
Pour finir ce billet, je me permets quelques remarques de détail.
Business intelligence et intelligence économique
À mon sens, il n’aurait pas fallu intégrer l’expression « business intelligence » dans la recherche. Sa traduction littérale ressemble à l’expression intelligence économique mais recouvre en réalité un domaine très différent. Si on prend une définition classique de la BI (technologies, applications et pratiques de collecte, d’intégration, d’analyse et de présentation de l’information) on peut en effet se dire que cela ressemble fortement à l’intelligence économique. Mais il y a une différence de taille qui n’apparait pas dans cette courte définition. La BI traite des données structurées. Tandis que l’IE traite de données non structurées. La BI va passer par l’intégration de gros progiciels qui vont collecter et analyse … les achats de fourniture, les ventes de produits, les flux … et fournir aux dirigeants des tableaux de bord. L’IE va passer par la collecte d’informations sous de multiples formes … alertes, lettres de veille, notes d’étonnement, commentaires des médias sociaux, flux RSS, … bref du « non structuré ». D’où la difficulté de donner vie à cet ensemble disparate.
Google Trends
Concernant l’utilisation de Google Trends, il est écrit : « À l’échelle mondiale comme à l’échelle francophone, le nombre de recherches autour de ce concept est décroissant depuis 2004. » En fait la mesure de Google Trends porte sur une tendance de recherche, et non un volume de recherche. Ce n’est pas parce que la courbe est baissière que le volume l’est. C’est trompeur. Pour préciser cet élément, je copie-colle un extrait d’un document PDF qui sert à la formation à Google Trends et qui précise « Une tendance à la baisse signifie que la popularité relative d’un terme de recherche diminue, pas nécessairement que le nombre total de recherches pour ce terme diminue, mais que sa popularité par rapport à d’autres recherches diminue.»
Toujours avec Google Trends, il faut avoir la même prudence avec l’analyse des pays qui font le plus de recherche sur l’intelligence économique. Les pays qui recherchent le plus seraient dans l’ordre le Niger (23 millions d’habitants), le Gabon (2 millions), le Togo (9 millions), le Burkina (21 millions) et la Côte d’Ivoire (29 millions). En fait ce sont les pays dans lesquels la tendance est la plus en hausse. Pas en valeur.
Ce sont des détails. Cela mis à part, bravo aux auteurs de l’étude « Intelligence économique une discipline endémique » et à Veille Mag pour cette publication.
NB : Je m’étais livré moi-même il y a quelques années à une micro étude sur le sujet, dont la qualité scientifique est toute relative 🙂
« Analyse de 17 ans de publications en intelligence économique sur le web. »
Jérôme Bondu