J’ai lu « Comment gagner la guerre économique ? ». Ce dernier livre du Centre de Recherche 451 de l’Ecole de Guerre économique est, à l’image du premier opus (Qui est l’ennemi ?) passionnant. L’ouvrage a été écrit sous la direction de Christian Harbulot, Nicolas Moinet et Arnaud de Morgny. Voici une petite note de lecture, avec mes impressions …
Gagner la guerre économique
Description de l’ouvrage
On peut lire en description de l’ouvrage :
« Puissances étrangères, multinationales, officines de renseignement privées : les adversaires ne révèlent que rarement leurs intentions. Comment gagner ? met en avant celles et ceux qui se battent et obtiennent des succès sur des fronts souvent méconnus de la guerre économique.
Des victoires remportées à bas bruit, mais vitales pour l’intérêt collectif. Des spécialistes de la guerre économique et de la guerre de l’information éclairent les stratégies possibles de la France dans ces combats de l’ombre. Ouvrage annuel de l’École de guerre économique et de son centre de recherche appliquée, le CR451 ».
Gagner la guerre économique passe par le droit
Le premier article d’Olivier de Maison Rouge évoque la nécessité d’un réarmement cognitif dans une France qui a abdiqué sa puissance et son indépendance. La France est dans une posture uniquement défensive. A l’inverse « les États-Unis (…) ont mis en place un fort interventionnisme au niveau fédéral dont le but est de créer un cadre favorable aux conquêtes commerciales ». Leur libéralisme n’est que de façade. Ali Laïdi a bien traité le sujet, notamment dans son livre « Histoire mondiale du protectionnisme ».
Le général Éric Bucquet explique le rôle des services de renseignement : « Les services de renseignement ont une responsabilité collective dans leur mission d’aider nos entreprises ». Il est actuellement directeur de la sécurité du groupe Sanofi.
Gagner la guerre économique passe par des acteurs
Christian Harbulot fait un panorama de 26 ans de formation à la guerre économique. Il revient sur quelques temps forts : son entrevue séminale fin des années 80 avec Roland Dumas. La volonté d’Édith Cresson de donner corps à une vision, et qui aboutira au rapport Martre. Gagner la guerre économique passe par des acteurs à la motivation sans faille.
Arnaud de Morgny présente la création d’un marché privé de l’information. On lit sous sa plume les noms qui ont fait le secteur : cabinet Miallot, Atlantic Intelligence, Adit, Intelco, … pour ne citer que les premiers.
Arnaud de Morgny signe l’article suivant « Pour une intelligence économique nationiste ». Il explique que l’IE est traversé par quatre courants : la guerre économique, la sécurité économique, la compétitivité économique et la diplomatie économique. Il propose d’en rajouter un cinquième : l’intelligence économique nationiste.
Gagner la guerre économique passe par la guerre de l’influence
Raphael Chauvancy défend le fait de « vaincre par l’influence » (voir Agir ou subir).
Elysabeth Bénali-Léonard signe l’article suivant qui explique la guerre économique livrée par les industriels allemands contre sa solution industrielle. L’arme alors utilisée par les Allemands est normative. Elle détaille la découverte du lobby contre la filière française. La mise en place d’une contre-influence. L’intervention de la DGSI. Et finalement le retournement de situation. C’est passionnant et édifiant.
Eric Alexandre et Fabien Ponsot ont écrit « Quand l’intelligence économique assure la protection des entreprises françaises ».
La guerre ace au DOJ
Mathilde Fiquet se demande si l’Europe réagit enfin face aux géants du numérique. Elle évoque la lutte contre les abus de position dominante des GAFAM … pour l’instant sans véritables résultats.
Nicolas Mazzuchi se demande « comment gagner le pari du nucléaire en Europe ».
Erwan Seznec pose la question « comment gagner contre l’extra-territorialité du droit américain » face au DOJ ? Si nous connaissons tous le cas Alstom raconté par Frédéric Pierucci, le cas PrivInvest est moins connu. Dans cette bataille, Jean Boustani, a gagné contre le DOJ. Preuve que gagner la guerre économique est possible. L’auteur souligne que parmi les facteurs clés de succès, il y a la fidélité et le courage des protagonistes.
Nicolas Moinet raconte les secrets d’une guerre fantôme. Et fait référence au travail extraordinaire de David Gendrau et Alexandre Leraître, auteur de deux documentaires qui ont fait date : celui sur l’affaire Alstom et celui sur Airbus.
Gagner la guerre économique passe par la science ouverte
Nicolas Moinet, vente ensuite l’incroyable travail d’Anaïs Voy-Gillis, apôtre de la renaissance industrielle de la France. Je l’ai découverte sur Thinkerview et vous recommande son interview.
Éric Le Deley vante la victoire par la coopération, dans le cadre du programme spatial européen.
Valérie Zwilling se fait l’avocate d’une science ouverte au service de la puissance. Elle souligne un non-sens : « En France, l’État finance des travaux de recherche et leurs publications, principalement chez des éditeurs anglo-saxons, puis paie pour les récupérer avec leurs données alors qu’il en a financé la production ». Et ceci alors que l’Europe, dès 2000 et le congrès de Lisbonne, avait souligné l’importance d’une économie fondée sur la connaissance. L’objectif était de « devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la dynamique du monde ». On croit rêver…
Pour revenir à la science ouverte, il existe un plan national pour la science ouverte. « En l’absence de technologies et de compétences numériques européennes et nationales au meilleur niveau, ouvrir les données revient à offrir aux organisations ou aux pays raffineurs de données la capacité de créer des produits finis – industriels ou politiques – au service de leur propre accroissement de puissance. Plus que l’ouverture des données, la science ouverte doit être pensée et structurée au service de l’autonomie stratégique et de la puissance de l’UE et de ses États membres. » On ne peut pas dire mieux !!
L’ouvrage est à lire. C’est passionnant.
« Comment gagner la guerre économique ? » est édité en 2023 par Nouveau Monde.
Jérôme Bondu