J’ai lu « L’odyssée du Sacré » de Frédéric Lenoir. Ce billet vient en complément du précédent, et vient mettre en avant quelques idées complémentaires.
Cet article fait parti d’une série qui pose la question du sens. A l’heure de l’intelligence artificielle générative, j’ai voulu creuser le sujet par quelques lectures édifiantes.
- Le bug humain, de Sébastien Bohler (lire aussi le résumé cartographique du livre).
- Ou est le sens, de Sébastien Bohler.
- Human psycho, de Sébastien Bohler.
- Striatum, de Sébastien Bohler.
- L’odyssée du sacré, de Frédéric Lenoir.
- La science peut-elle tout expliquer, de John Lennox.
- Sapiens, la bande dessinée.
Comme beaucoup de mes notes de lecture, il faut voir ces notes comme un exercice de mémorisation que je partage.
L’odyssée du sacré
Le mot religion a deux étymologies possibles :
- Le verbe relegere : recueillir, observer, scruter avec soin.
- Le verbe religare : relier, créer du lien entre les Humains.
Sur le sacrifice animal
Beaucoup de religions antiques devaient certainement pratiquer le sacrifice animal. Entre 800 et 200 avant notre ère, il y a un grand bouleversement spirituel.
« Les rites liés à la nature sont délaissés, les sacrifices d’animaux, réalisés dans les religions agraires polythéistes, n’ont plus cours, sauf dans le judaïsme et plus tard dans l’islam, comme le sacrifice du mouton ». Cela représente donc une sorte d’archaïsme.
Sur le sectarisme des religions
On connait Galalilé ou Giordano Bruno.
Mais dès l’antiquité grecque, des penseurs ont démythifié les croyances sur la base de découvertes « scientifiques ». Ainsi Anaxagore (vers 500 – 428 avant notre ère) a été condamné à mort pour impiété. Sa faute ? « Avoir soutenu que les éclipses ne sont pas des divinités, mais de simples ombres portées par la lune sur la terre ».
Démocrite entrevoit le monde atomique « l’être humain, comme toute réalité, est constitué d’atomes qui se dissolvent après la mort ». Il ne croit ni en dieu ni dans l’immortalité de l’âme. Cette vision du monde sera reprise par Épicure et Lucrèce (de natura rerum). D’ailleurs notre vision actuelle des épicuriens, très négative, résulte d’une opération d’influence rondement menée par les tenants d’une orthodoxie religieuse contre ces « libres penseurs ». Lire à ce propos ma note de lecture des sept cités du savoir.
Sur la magie
L’auteur traite aussi abondamment de magie (sorcellerie, occultisme) qui va fleurir notamment dans des périodes de rationalisme. Ces pratiques magiques apparaissent ainsi comme des tentatives de réintroduction du sacré dans un monde qui se sécularise.
J’ai eu durant mon cursus en histoire (au siècle dernier) un cours passionnant sur la sorcellerie au Moyen Âge. Il en ressortait qu’une analyse rigoureuse et objective des faits de sorcellerie montrait que :
- Les faits de sorcellerie étaient souvent imputés aux vieilles femmes. Et que ces dernières étaient souvent dépositaire de la mémoire du lieu.
- Que les lieux où ces faits étaient reportés étaient des zones disputées entre des puissances concurrentes.
- Que ces faits entrainaient l’envoi d’un juge. Qui forcément était protégé par des soldats. Qui souvent s’établissaient sur le territoire même après le jugement.
- Et que ces lieux finissaient annexés par la puissance qui avait envoyé le juge.
Conclusion : on se trouverait en réalité en face d’une bonne vieille manipulation de la part des puissances pour conquérir un territoire disputé ! Une sorte d’opération sous faux drapeau. J’en parle lors de l’interview avec Alain Juillet.
Sur l’islam
L’auteur retrace la naissance de l’islam. Il rappelle quel était l’environnement autour de Mahomet.
- Et il commence par la riche veuve Khadija, de quinze ans l’ainée de Mahomet. Le cousin de Khadija, Waraqa ibn Nawfal, un chrétien.
- Il rappelle que Mahomet affranchit l’esclave de Khadija, Zayd, « de la tribu des Kalb, en grande partie chrétienne ».
J’évoque tout cela dans cette autre note de lecture « Renseignement et espionnage pendant l’antiquité et le Moyen Âge ». Ces auteurs induisent que Mahomet aurait été chrétien.
Il évoque l’âge d’or du monde de langue arabe. Ce qui a fait dire à Refis Debray « la civilisation musulmane a connu sa Renaissance avant son Moyen Âge ».
Il évoque le schisme du chiisme.
Sur l’athéisme
Il évoque Spinoza pour qui « Dieu et le monde ne sont qu’une seule et même réalité ».
L’auteur reprend la citation de Marcel Gaucher « nous sommes voués à vivre désormais nu et dans l’angoisse, ce qui nous fut plus ou moins épargné depuis le début de l’aventure humaine par la grâce des dieux ».
Il cite Therry Ripoll : « plus le PIB du pays est faible, plus on a de chance d’être croyant. A contrario, plus le niveau d’éducation, le niveau d’études et le quotient intellectuel de l’individu sont élevés, plus le système analytique prend le pas sur le système intuitif, et moins l’être humain est enclin à développer des croyances ». La religion est un « puissant anxiolytique, elle donne du sens à la vie, elle garantit une forme de vie après la mort… ». A contrario l’athéisme offre peu de choses « il est conceptuellement complexe, existentiellement insupportable et émotionnellement douloureux ». En revanche, il nous permet une vision de l’univers complexe, riche, en phase avec la méthode scientifique.
L’auteur traite de mille autres choses passionnantes :
– Le sac de Constantinople et la scission du monde chrétien.
– Le trafic des indulgences.
« L’odyssée du Sacré » est édité en 2023 chez Albin Michel.
Jérôme Bondu