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Influence

À lire : La Guerre de l’information 2/4 : guerre totale de l’information

By 10 janvier 2024janvier 16th, 2024No Comments
guerre totale de l'information

Comment se met en place la guerre totale de l’information ? J’ai lu « La Guerre de l’information – Les États à la conquête de nos esprits » de David Colon. C’est un livre passionnant, qui vient compléter les précédents ouvrages de David Colon : « Les maitres de la manipulation »  et « Propagande et manipulation de masse ».  Cette note de lecture n’engage évidemment que moi. Les phrases entre guillemets sont de l’auteur.

Je vais la publier en quatre parties :

  1. La Guerre de l’information
  2. La guerre totale de l’information
  3. La guerre psychologique
  4. La guerre cognitive

Chapitre 5. – La guerre des boutons de partage sur les médias sociaux

Les médias sociaux rentrent dans le jeu

À partir des années 2000 les médias sociaux rentrent dans le jeu. Et les révolutions du monde arabe sont qualifiées de « révolution 2.0 » parce que les manifestants ont abondamment utilisé les réseaux sociaux, et notamment Twitter, pour s’organiser. David Colon explique l’origine des mots « troll / trolling ». Cela renvoie à la guerre du Vietnam quand les pilotes américains de F-4 Phantom provoquaient les pilotes vietnamiens de MiG. Troller a pris aujourd’hui le sens de provoquer sur la toile, embourber l’adversaire dans un débat stérile, pour lui faire perdre du temps.

Les États-Unis vont prendre la mesure de ce changement et intégrer ces nouveaux outils à leur arsenal. Mais pas qu’eux. Israël suit le mouvement. David Colon raconte l’histoire d’Aliza Landes qui va jouer un rôle important dans la prise de conscience de l’armée israélienne. Mais dans le combat informationnel contre le Hamas, c’est ce dernier qui gagne. Les récits comme ceux de Janna Jihad ou de Farah Baker ont permis au Hamas de remporter une victoire « dans le champ de bataille du narratif » qu’ils n’ont pas eue dans le champ de bataille physique.

Propagande de Daech

David Colon passe du Hamas au califat. Daech a été « le premier groupe terroriste à détenir un territoire à la fois physique et numérique » selon Jared Cohen directeur d’un groupe de réflexion interne de Google. Leurs mises en scènes violentes ont marqué les esprits (voir le Roman du terrorisme de Marc Trevidic). La force de frappe numérique du cybercalifat est écrasante. Les États-Unis sont dépassés, incapables de faire face à l’avalanche de contenu des terroristes. « L’administration de la nation la plus puissante au monde se révèle donc incapable de rivaliser avec le réseau de propagande de Daech ».

Les Anonymous s’en mêlent

Les Anonymous s’en mêlent, et veulent participer à la suppression des comptes des djihadistes sur Twitter. Ils ont donné au grand public des listes de comptes à dénoncer. Libre à chacun de les signaler auprès de Twitter comme des comptes néfastes, pour que la plateforme les supprime. Ces hacktivistes ont ainsi ébranlé l’appareil de propagande de l’État islamique en appelant chaque internaute à être un combattant dans cette guerre totale de l’information. (NB : Je me rappelle très bien avoir reçu le message du compte public des Anonymous et avoir participé à cette dénonciation. Mais peu de temps après, cette opération a été décriée par les autorités françaises comme contre-productive. En effet, les comptes djihadistes étaient surveillés. En demandant à Twitter de les faire disparaitre, nous avons en réalité compliqué le travail de renseignement. Car ces comptes ont été recréés plus discrètement…).

Chapitre 6. – La Russie déclenche la guerre totale de l’information

Le Kremlin passe à l’offensive

Le Kremlin passe à l’offensive dans cette guerre totale de l’information. J’ai noté quelques jalons marquants :

  • 2012 : la « Douma adopte un projet de loi instaurant un filtrage d’internet à l’échelle nationale » (voir le compte rendu de la conférence de Kévin Limonier sur l’internet russe).
  • Obligation d’héberger sur le territoire russe les données des Russes.
  • 2017 : restriction de l’usage des VNP.
  • Incitation à développer en Russie une offre de stockage des données (cloud).
  • Récupération par l’État de VKontakte, et mise en accusation de son fondateur Pavel Durov.
  • Obligation pour les blogueurs influents de s’enregistrer auprès de l’agence étatique de surveillance de l’internet.

La guerre est hybride :

  • Vladimir Poutine joue aussi de la « force douce » avec les médias Russia Today et Sputnik.
  • Et se muscle « dans le dur » avec l’IRA et la ferme à troll de feu Evgueni Prigojine. Vitaly Bespalov est un des rares trolls de l’IRA à avoir livré un témoignage sur la ferme à trolls.

Miner la démocratie

Quel est l’objectif de Poutine ? Miner la démocratie, l’Union européenne, les États-Unis (voir la note de lecture « comment Poutine fait la guerre à nos démocraties »). Promouvoir les partis d’extrême droite. Promouvoir les extrêmes, polariser les débats, générer un chaos politique. On connait le rôle de Poutine dans le Brexit et l’élection de Trump. On peut s’étonner de la faiblesse des démocraties dans cette guerre informationnelle. Le problème est que les démocraties respectent des règles que les adversaires ne connaissent pas (mensonges, déformation de la réalité, création de milliers de comptes de trolls pour relayer la propagande). David Chavalarias a bien décrit cela dans « Toxic data – Comment les réseaux manipulent nos opinions ». En clair, nous nous battons avec une main dans le dos.

la guerre totale de l'information 2Chapitre 7. – La cyberguerre mondiale

La guerre totale de l’information est pour une large part cyber

Les États-Unis rentrent en cyberguerre : Les films WarGame et Sneakers vont avoir un véritable impact sur la prise de conscience de l’exécutif américain de la réalité d’une cyberguerre. La NSA (alors dirigée par Michael Hayden) va intégrer dans son périmètre les actions cyberoffensives, et créer le célèbre TAO Tailored Access Operation (accès sur mesure). C’est cette unité qui sera à l’origine du piratage des centrifugeuses de Natanz en Iran (opération baptisée « Jeux olympiques »).

Point de départ d’une cyberguerre

Beaucoup de pays vont traduire cette attaque comme le point de départ d’une cyberguerre.

  • L’Iran bien sûr. Mais ils ne sont pas les seuls.
  • La Chine emboite le pas. Et le piratage de Google, découvert en 2009, bien que colmaté par la NSA, sera à l’origine du retrait de Google du marché chinois en 2010. La Corée du Nord pirate en 2014 Sony Pictures, puis en 2016 la banque du Bangladesh, et enfin lance au monde entier en 2017 le virus WannaCry.
  • La Russie lance en 2015 une cyberattaque contre le réseau électrique ukrainien.

Bref, c’est la cyberguerre mondiale ! « Contrairement à l’arme nucléaire, l’arme cyber n’a pas de caractère dissuasif, est difficilement attribuable, et se déroule a priori en deçà du seuil risquant de déclencher une guerre ». C’est donc une arme asymétrique par excellence !! Idée bien développée par Guy-Philippe Goldstein dans son ouvrage Cyberdéfense et cyberpuissance au XXIè siècle et son roman Babel minute zéro.

Chapitre 8. – La guerre contre l’information : la désinformation, arme de déstabilisation massive

La guerre totale de l’information russe

Ce chapitre est consacré exclusivement à la Russie et aux moyens qu’elle a mis dans la guerre totale de l’information.

  • La Russie, qui depuis « Potemkine, a fait de la manipulation des perceptions une politique nationale » (je rajoute que la construction de villages Potemkine est un faux).
  • Après la Première Guerre mondiale, le nouveau pouvoir soviétique crée le bureau de dezinformatiya chargé des opérations d’influence à l’étranger. Si le mot a une consonance française, c’était à dessein, pour faire croire ce que type d’opération était typiquement occidental ! Ben voyons.
  • Durant la guerre froide, on estime qu’il y a autant de personnes qui travaillent à la désinformation qu’il y a de soldats dans l’armée rouge. Après la disparition de l’URSS, le service extérieur du renseignement s’est emparé des rouages de l’État, et la dezinformatiya est devenue politique d’État. Exemples : L’opération Dragon a eu pour but d’attribuer l’assassinat de Kenny à la CIA. Des opérations sous faux drapeaux en Occident avaient pour but de faire croire à une recrudescence de l’antisémitisme, et une résurgence du nazisme. L’opération Denver / Infektion avait pour but de faire croire que le Sida a été créé par l’armée américaine. Avec le Covid19, la politique russe sera d’encourager les vaccino-sceptique en Occident.
  • La Russie va s’appuyer sur l’alt-right américaine. Avec le support de l’extrême droite, elle va se livrer à une guerre mémétique (mème). Un des plus sûrs alliés de la Russie est Jack Posobiec qui sera un des relais du « tuyau d’arrosage » du mensonge russe : art du déni, irréalité, réalité alternative…

Les démocraties peinent

Mais comme il a déjà été dit plus haut : « dans la lutte contre la désinformation, les démocraties peinent à trouver des mesures efficaces qui ne reposent pas sur des mesures attentatoires à la liberté d’expression ayant pour effet de légitimer la censure dans les régimes autoritaires ». La guerre totale de l’information est mal engagée.

N’hésitez pas à consulter les formations Inter-Ligere sur l’influence :

« La Guerre de l’information » est édité chez Tallandier.

La suite : La guerre psychologique !

Bonne lecture !
Jérôme Bondu

Dessin gentiment réalisé par Dall.e 3

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