J’ai lu « La grande confrontation – Comment poutine fait la guerre à nos démocraties ? » de Raphaël Glucksmann. C’est un livre totalement à charge contre Poutine. L’auteur explique pourquoi la guerre était prévisible. Et il incite l’Europe à affronter résolument les dangers à venir. Sur la guerre numérique de Poutine, lire Toxic Data de David Chavalarias, ainsi que le compte rendu de la conférence de Kevin Limonier sur l’internet russe.
Acte I : La citée corrompue
Raphaël Glucksmann explique comment Poutine a rendu l’Europe totalement accro à son gaz. Selon l’auteur, cette démarche s’est appuyée sur des personnes qui ont trahi leur pays.
– Il commence par Matthias Warnig, l’ex-espion de la Stasi qui est un personnage clé de cette pénétration russe en Allemagne.
– Les Russes pourront compter aussi sur l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder, qui va contre toute éthique, logique et bon sens, trahir le pays qu’il a dirigé. Extrait « Schröder ne se contente pas de planifier l’abandon du nucléaire, il refuse aussi de doter son pays de terminaux méthaniers et construit donc méthodiquement l’addiction allemande au gaz de Poutine ». Un chapitre du livre est intitulé « Suicide au gaz ». On en saurait être plus clair. L’Allemagne, dans un aveuglement total, ira jusqu’à confier à la Russie la gestion d’une partie de ses stocks sur son propre territoire.
– L’Allemagne n’est pas la seule à se faire acheter. En France, l’auteur dénonce les positions de l’ex-Premier ministre François Fillon. Aux États-Unis c’est « l’ineffable » Trump qui a été sauvé de la faillite pour Poutine.
Acte II : La guerre contre nos démocraties
Comment poutine fait la guerre ?
L’artisan côté Russe est Vladislav Sourkov. C’est celui que Giuliano da Empoli présente comme le mage du Kremlin. L’auteur explique que pour les Russes « la guerre est notre idéologie nationale (…) la confrontation est la norme ».
L’histoire veut que Poutine, alors agent du KGB à Dresde pendant la chute du mur, ait été marqué par la chute de l’URSS. Lors d’événements durant lesquels le poste du KGB était pris à partie par les manifestants, « Moscou restait silencieux ». Cet épisode aurait marqué au fer rouge le jeune Poutine. D’où son envie de revanche. L’auteur détaille aussi la jeunesse de Poutine et ses liens avec les mafias locales. (Ce qui m’a fait penser aux Kennedy).
Exporter le chaos dans nos démocraties
A la surprise générale, Eltsine nomme Poutine Premier ministre de la Fédération de Russie. Et cela se passe « dans la foulée, des attentats aussi étranges que meurtriers [qui] frappent Moscou » souligne l’auteur. Raphaël Glucksmann raconte aussi la création de Wagner et de l’IRA par Evgueni Prigojine (qui n’a rien à voir avec Ilya Prigogine).
Une internationale nationaliste
Poutine va développer « une cinquième colonne » en Europe en finançant les extrêmes droites partout sur le continent. En France, le Front national reçoit un prêt de 9 millions d’euros de la First Czech Russian Bank. Bel exemple d’indépendance nationale du parti frontiste ! Il fustige « ces élites corrompues vendues à des puissances étrangères hostiles à nos principes et intérêts ».
Le président Macron a cru, comme beaucoup d’autres, qu’il était possible d’avoir un lien particulier avec Poutine. L’auteur parle d’illusion romantique.
Acte III : La résistance
Courage ukrainien
Raphaël Glucksmann souligne le courage ukrainien. Et note le besoin « d’énergie vitale » de ce pays qui nous réapprend à aimer la démocratie.
En tant que député européen et président de la commission spéciale du parlement européen sur l’ingérence étrangère, Raphaël Glucksmann a été à Taïwan pour apprendre comment ce petit pays réussit à faire face à la géante Chine. Il appelle à une révolution mentale en Europe, une renaissance de la vertu civique, seul rempart réellement efficace contre la corruption et la trahison.
Il s’indigne à raison contre l’incapacité des Européens à mettre, à l’égal des Américains, un Buy European Act (en anglish dans le texte).
Écologie salvatrice
Il finit sur une vision de l’écologie qui se veut vectrice d’un pouvoir retrouvé. La guerre de Poutine aura au moins eu le mérite de nous pousser à innover, et à intégrer une nouvelle forme d’écologie. Cette guerre d’Ukraine, conclut-il, est « aussi la nôtre ».
Comment poutine fait la guerre à nos démocraties ?
Mon avis : « Comment poutine fait la guerre à nos démocraties ? » est à lire. Raphaël Glucksmann, en tant que président de la commission spéciale du parlement européen sur l’ingérence étrangère semble bien informé.
Ses derniers mots sont pour son père dont il assume tout à fait la filiation intellectuelle. « Tu avais tout dit et tout écrit. Au fond je n’ai aucun mérite (…) juste la chance de t’avoir eu comme père ». Et les remerciements montrent sa très grande proximité avec les Ukrainiens et les Georgiens. On sent poindre en fin d’ouvrage une émotion qu’il avait gardée discrète durant l’ouvrage.
« Comment poutine fait la guerre à nos démocraties ? » est édité chez Allary Editions.
Voir aussi la formation sur la veille géopolitique.
Bonne lecture !
Jérôme Bondu