J’ai lu « Intelligence artificielle : vers une domination programmée » de Jean-Gabriel Ganascia. Ce livre vise à répondre aux principales idées reçues sur l’intelligence artificielle. Quelles sont ces idées reçues ?
Idées reçues sur l’intelligence artificielle
Suite à des études de physique et de philosophie, Jean-Gabriel Ganascia s’est spécialisé en intelligence artificielle puis en modélisation cognitive. Professeur à l’université Pierre et Marie Curie, il dirige l’équipe ACASA (Agents cognitifs et apprentissage symbolique automatique) au sein du laboratoire d’informatique de Paris-VI. Je reprends le plan de son livre avec quelques idées saillantes …
L’intelligence artificielle, qui et quoi ?
Idée reçue 1 sur l’intelligence artificielle : Alan Turing est l’inventeur de l’intelligence artificielle.
– Si Alan Turing n’est pas à proprement parler l’inventeur de l’IA, il en est le précurseur le plus influent. Désormais des machines passent le test de Turing. C’est vrai, explique l’auteur, mais cela ne constitue pas un objectif en soi.
L’intelligence artificielle n’est pas une science.
– Si, l’auteur explique bien que c’en est une. L’ambiguïté vient du fait que l’IA est en même temps une discipline scientifique, et une sorte de mythe pour certaines personnes.
L’intelligence artificielle est une idée neuve.
– Cela dépend. Si l’IA correspond au fait de faire reproduire par des machines l’activité d’êtres humains, alors l’idée remonte à la plus haute antiquité. Si l’intelligence artificielle correspond au fait d’utiliser des ordinateurs, cela date du milieu du XXè siècle.
Les Japonais sont les champions de l’intelligence artificielle.
– L’auteur fait référence au projet d’ordinateur de 5è génération, dont les Japonais ont voulu être les champions. Mais cela n’a jamais été concluant. Pour rappel, les 4 premières générations correspondent à l’invention des dispositifs électriques, des transistors en 1947, des circuits intégrés en 1963, de l’intégration des logiciels liés aux langages de programmation évolués dans les années 70.
L’IA et les GAFAM
La recherche en intelligence artificielle est menée par les GAFA.
– Bizarrement, ce n’est pas tout à fait une idée reçue. L’auteur accrédite les avancées des GAFAM, surtout dans la capacité de collecte de nos données, aliment essentiel pour faire travailler les outils d’intelligence artificielle.
L’intelligence artificielle pallie les défaillances de notre intelligence.
– Là encore, ce n’est pas vraiment une idée reçue. L’auteur entérine l’idée que l’intelligence artificielle nous rende plus intelligents. Et il rappelle au passage l’origine du mot intelligence … inter legere, littéralement lier ensemble. Ça me parle évidemment …
Nous passerons bientôt de l’intelligence artificielle faible à l’intelligence artificielle forte.
– L’auteur explique qu’au départ, l’expression intelligence artificielle forte a été utilisée pour nier la possibilité d’y arriver un jour (cela me rappelle l’utilisation de l’expression « big bang » qui a été pareillement utilisée par dénigrer cette idée, avant d’être utilisée largement). Une des démonstrations utilisées était la « geôle chinoise ». Voir notamment : L’intelligence artificielle n’existe pas, de Luc Julia.
L’intelligence artificielle, comment ça fonctionne ?
Il n’y a rien à craindre avec les ordinateurs, il suffit de les débrancher.
C’est vrai techniquement. Mais c’est aussi faux pour trois raisons : parce que certains outils pourraient être autonomes en alimentation (à l’image des satellites qui s’alimentent en énergie solaire). Parce que l’on va vers des automates biologiques. Enfin, parce que nous serons de plus en plus dépendants du réseau numérique dans son ensemble. Lire sur le sujet Intelligence Artificielle – La plus grande mutation de l’histoire.
L’intelligence artificielle reproduit l’activité de notre cerveau.
– Pas encore … notre cerveau est une merveille de technologie avec près de 90 milliards de neurones, 1000 milliards de connexions, et de surcroit très économe en consommation d’énergie.
L’intelligence artificielle n’est pas naturelle.
– L’auteur fait une pirouette philosophique et rappelle qu’à part la « nature » rien n’est naturel…
Les ordinateurs ne se trompent jamais
Les ordinateurs raisonnent de façon binaire.
– Pour l’instant. Je le cite : « il se peut qu’une nouvelle génération de machines non déterministes et/ou à nombre infini d’états apparaisse un jour. Les ordinateurs dits biologiques, fondés sur la recombinaison d’ADN (…) constituent de telles tentatives ».
Les ordinateurs ne se trompent jamais
– Oui en effet, ils exécutent des instructions avec fiabilité. Mais l’auteur rappelle alors que l’erreur peut venir du programmeur … Voir notamment « De l’autre côté de la machine » d’Aurélie JEAN
Les ordinateurs sont invincibles aux échecs et au go.
– Oui, mais il existe encore des jeux de stratégies où l’Humain l’emporte encore. Et les Humains auront toujours un rôle. Voir le livre Ce sera l’IA et Moi, de Cécile Dejoux.
Le “Deep Learning” révolutionne l’intelligence artificielle.
– Ici, Jean-Gabriel Ganascia rappelle simplement que le deep learning reprend des principes anciens d’apprentissage par rétropropagation du gradient introduit dans les années 1980, issu de l’apprentissage des perceptrons apparus dans les années 50…
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Sur le même sujet, on pourra lire la note de lecture de « Servitudes virtuelles » du même auteur. Le livre les « Idées reçues sur l’intelligence artificielle » est édité par Cavalier Bleu.
Jérôme Bondu