J’ai assisté à la conférence de Nicolas Meilhan sur le thème : comment la transition écologique peut être un levier pour la réindustrialisation de la France. Cette conférence était organisée par l’association intelligence économique de la Sorbonne, présidée par Mathis Corvaisier. Voici un compte rendu informel.
Nicolas Meilhan
Ses principaux domaines d’expertise sont la voiture électrique, la mobilité du futur, l’énergie du futur ainsi que la raréfaction des ressources, sur lesquels il intervient régulièrement lors de conférences et dans les médias.
Il est conseiller scientifique auprès de France Stratégie et fait parti de l’ASPO France (Association for the Study of Peak Oil & Gas).
Il a travaillé pour France Stratégie (ce qu’il reste du Commissariat au Plan). Voir le dossier sur les politiques industrielles.
Son dossier « Comment la transition écologique peut être un levier pour la réindustrialisation » n’a pas été publié par France Stratégie mais est disponible sur le site des Econoclastes. Il est membre des Econoclastes. Enfin, il est passé sur ThinkerView avec Francis Perrin.
Je précise que ces notes n’engagent que moi, et en aucun cas l’intervenant… Je les publie comme un exercice de mémorisation. C’est donc un compte rendu informel, non validé par l’intervenant ni par l’organisateur.
Constat sur la Réindustrialisation de la France
– Pour la construction de voiture, on a décidé de passer du pétrole à l’électrique. Ce qui revient à passer d’une dépendance vis-à-vis de l’OPEP (40%) … à une dépendance vis-à-vis de la Chine (80% du raffinage du cobalt).
– L’électrique a délocalisé la pollution.
– Si les émissions de CO2 ont baissé en France, c’est surtout grâce à la désindustrialisation de la France.
– L’évolution du solde commercial de la France par produit est déficitaire. Une des causes est liée à l’élargissement de l’Europe. Les usines sont parties vers les nouveaux États membres. Pire « On a subventionné le déficit commercial ». À l’exemple de la décision de Nicolas Hulot d’aider l’achat des petites voitures, au même moment où l’on a délocalisé leur fabrication. Autre exemple : 300 millions ont été donnés à la Chine dans le cadre de la subvention sur les batteries (6000 euros de subvention par voiture x 50 000 voitures électriques vendues).
– La délocalisation a aggravé l’empreinte carbone, car cela s’est fait dans des pays où l’électricité est fortement carbonée. Par exemple, en Pologne la production d’électricité est fortement issue de centrales à charbon.
– 100 000 emplois ont été perdus en 20 ans dans le domaine automobile. Et 1 million d’emplois perdus si l’on prend en compte les emplois indirects.
– 75% des voitures vendues en France sont importées.
– En ce qui concerne la fabrication de batterie, c’est une industrie fortement dépendante du gaz. Avec le renchérissement du prix du gaz, le projet de « l’Airbus de la batterie » est à risque. Avec l’IRA, nous assistons en réalité à la construction du « Boeing de la batterie ». Au passage, il est clair l’IRA viole les règles du commerce international. Qui s’en offusque ?
Quelques réflexions sur la Réindustrialisation de la France
– L’étude de Nicolas Meilhan pour France Stratégie a proposé de limiter l’empreinte carbone de la fabrication des batteries. France Stratégie ne l’a pas publié et Nicolas Meilhan l’a mis à disposition sur le site des Iconoclastes.
– Nicolas Sakozy a cassé la limitation à 130g de CO2. Cela a favorisé les grosses berlines allemandes et a pénalisé l’industrie automobile française. Il a fait ce cadeau à Merkel en contrepartie du soutien de la chancelière à la Coop de Copenhague ! Mais est-ce que ce choix était pertinent sur le long terme ?
– Nicolas Meilhan a proposé d’indexer un système de bonus-malus sur le poids de la voiture (et éviter que ce soit une taxe en plus).
Quelles sont les responsabilités dans la désindustrialisation de la France ?
Nicolas Meilhan souligne de multiples causes :
– La vision « d’usine sans travailleur ».
– Le manque de patriotisme de nos élites.
– Les investissements à l’étranger.
– Le manque de stratégie long terme de l’État.
– La non-prise en compte des rapports. « Les rapports ne sont pas lus » explique l’orateur. Les ministres ont un cabinet avec des jeunes de 35 ans qui n’ont jamais mis les pieds dans une usine. Quand ils voient un rapport arriver, leur première question est de savoir si cela pourra leur servir dans leur carrière. Si la réponse est négative, le rapport est mis de côté.
Éléments du débat
Pour finir, voici quelques éléments du débat :
– Quand Trump a voulu mettre une taxe sur l’importation des voitures allemandes, M. Junker a négocié avec Trump un accord : pas de taxe contre l’importation de gaz de schiste.
– On est en train de sacrifier les TPE pour un prix artificiel : l’électricité coût 50 euros à la production, mais est vendue 300 euros le mégawattheure.
– Biden avait prévenu que le gazoduc NorthStream 2 était à risque. Il aurait dit « Si Poutine a envahi l’Ukraine, il n’y aura plus de NorthStream 2 ».
– En conclusion, l’orateur craint une destruction de l’Europe si la tendance actuelle perdure. Il prêche pour une réindustrialisation de la France.
Bravo à l’association intelligence économique de la Sorbonne pour cette conférence très intéressante.
J’annoncerai prochainement les futures conférences du Club IES.
Jérôme Bondu