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Gestion des connaissances

À lire : La nouvelle servitude volontaire. Philippe Vion-Dury (4/4)

By 25 février 2023novembre 5th, 2023No Comments
servitude volontaire

J’ai lu « La nouvelle servitude volontaire » sous-titré « Enquête sur le projet politique de la Silicon Valley » de Philippe Vion-Dury. Le livre est édité chez FYP. Le livre se présente comme une enquête qui « révèle comment les géants du web influencent et contrôle notre comportement ». Philippe Vion-Dury est journaliste, rédacteur en chef de Socialter.

Cette note est en quatre parties :
– I : Une réalité intégralement personnalisée
– II : Les écosystèmes de manipulation
– III : La machine à gouverner
– IV : La société de contrôle intégral

Chapitre IV : La société de contrôle intégral – servitude volontaire

1— Le monde selon la Silicon Valley

À la base de ces innovations, il y a une vision : le messianisme technologique américain. Si les racines de l’idéologie technocratique remontent à Saint-Simon, elles vont se développer dans le terreau protestant et évangélique américain, pour qui l’Homme est une créature destinée à ériger le paradis sur terre (alors que dans la vision catholique, l’Homme doit rechercher le salut par l’expiation). Trois illustrations parmi milles : À l’époque de l’invention du Macintosh, Steve Jobs avait une volonté d’évangélisation, et l’on entre chez Apple comme on rentre en religion. Les conférences TED d’aujourd’hui sont les grand-messes de la technologie. Les champions de la Silicon Valley « promettent un monde interconnecté, sans guerre et sans misère. »
Mais ce « pacifisme de façade (…) cache des enjeux stratégiques et économiques plus pragmatiques ».
– La Vallée « constitue avant tout un puissant relai du capitalisme libéral » (dont on sent que l’auteur n’est pas un adepte).
– Car l’analyse des interactions entre les humains, réduits à des « particules élémentaires », porte en germe un processus de déshumanisation.
– Et puis, leur vision idéalisée du monde est contredite par la politique des GAFAM et autres NATU d’optimisation et d’évasion fiscale.
– Leur désir de déverrouiller l’économie cache mal leur volonté de remplacer les anciens par leurs nouveaux services, et se poser en intermédiaire obligé.
Il est amusant de remarquer que le « communisme » qui avait le vent en poupe chez les hippies des années 70 a laissé la place à un « communalisme » totalement libéral.

2— La société de contrôle

Aux sociétés disciplinaires succèdent les sociétés de contrôle. Philippe Vion-Dury souligne que l’asservissement prend simplement de nouvelles formes.
– « Dans la société de contrôle : tout est permis, mais rien n’est possible.
– L’injonction du nouveau pouvoir est de consommer.
« Le pouvoir n’essaie plus de change les joueurs directement, il change leur environnement » (idée développée dans un certain sens par Dominique Cardon). Philippe Vion-Dury distingue trois étapes :
– « Le processus démarre toujours sur le mode traditionnel du service rendu ».
– Les outils gagnent ainsi en connaissance de nos besoins, envies, déplacements …
– Ils finissent par placer les individus « au cœur d’un réseau imperceptible, mais dense, de mécanismes de contrôle, opérant tout sur le mode incitatif, suggestif, permissif (…) conditionnements opérants, mécanismes ludiques, excitation du narcissisme, systèmes de réputation… »

Vers la fin de l’ouvrage, Philippe Vion-Dury se fait plus véhément et les formules sont de plus en plus dures :
– La « main invisible » laisse peu à peu la place à la « main amicale » ! Les individus verront « leur libre arbitre (…) gravement amputé par la délégation de pans entiers de l’existence à des « assistances » diverses et variées, qui produisent l’illusion de la liberté, une impression de puissance compensant une situation de dépendance bien réelle ».
– Plus loin, il distingue « d’un côté, des individus hallucinés jonglant entre le fantasme d’une omnipotence consumériste (….) qu’ils confondent avec la liberté ; une attitude infantile requérant assistance en permanence. De l’autre, des contrôles, un pouvoir symboliquement « matriarcal », caressant les individus de sa main bienveillante, les fixant dans l’immaturité pour mieux les guider, en douceur, action toujours suggestive, incitative, aversive, jamais brutale et frontale ».

Conclusion sur la servitude volontaire

En conclusion, il explique la difficulté d’une révolte et même d’une prise de conscience : notre imaginaire de la révolte fonctionne bien face à une autorité tyrannique, patriarcale, oppressante. Mais elle est caduque face à une société de contrôle, matriarcale, à la persuasion douce. Dans cette situation « Comment s’insurger contre ce qui n’a pas l’apparence de la tyrannie et asservit sans violence ? (…) Comment lutter contre ce qui échappe à la perception ? » Notre société est frappée d’anomie !
Philippe Vion-Dury nous donne quelques pistes pour sortir de cette prison algorithmique et de cette servitude volontaire :
– Il faut rendre les outils de contrôle visibles, palpables, concrets, insupportables, pour identifier leurs actions néfastes !
– Inspecter nos usages numériques.
– Se reconnecter au monde et au projet d’autonomie (par opposition à l’hétéronomie qui consiste à donner ses pouvoirs de décisions à des tiers).
– Retrouver une posture de combat.

Sur le sujet de la servitude volontaire

On pourra lire :
– L’interview de Philippe Vion-Dury par Aude Lancelin.
– Voir une interview de l’auteur avec Tristan Nitot.
Analyse de votre personnalité par Facebook.
Christine Kerdellan a écrit « Dans la Google du loup ». Très bon livre de vulgarisation sur la dystopie Googlienne. Dans chaque chapitre, elle reprend d’abord 1984 en prolongeant le livre d’Orwell dans un futur proche. Puis dans elle continue en expliquant que cette dystopie est bien réelle.
– Dans « Les gafam contre l’internet » Nikos Smyrnaios fait un exposé assez technique. Mais totalement passionnant. À lire obligatoirement.
– « Réseaux libertés et contrôle » de Benjamin Loveluck.

Bonne lecture !

Jérôme Bondu

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