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Compte rendu : La République en danger

By 7 juin 2010mars 19th, 2022No Comments
La république en danger

Est-ce que la république est en danger ? Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, est intervenu au Club des Vigilants le 28 avril 2010. Le thème portait sur « La République en danger ». Son discours passionnant a beaucoup porté sur les liens entre personnes. En voici un compte rendu informel et forcément réducteur.

Je précise que le texte qui suit n’est que ma compréhension de son propos. C’est donc une vision subjective de son discours.

Défense collective de ses intérêts

On ne croit plus à la défense collective de ses intérêts. Donc on se regroupe par identité pour défendre les intérêts de son groupe. Il y a eu une évolution en trois temps :
– Dans un passé lointain, la difficulté de la vie était acceptée, grâce à la croyance dans une vie meilleure dans l’au-delà.
– Dans un passé récent, la difficulté de la vie a été acceptée par la promesse de l’augmentation de la qualité de la vie.
– Actuellement, ces promesses « collectives » étant tombées, nous sommes passés à la recherche d’une survie individuelle.

Les politiques n’arrivent pas à raviver la défense collective des intérêts, et se sont enfermés dans des discours stéréotypés :
– À droite, celui de la lutte contre l’insécurité.
– À gauche, celui de la réduction des inégalités, et de la promotion de l’assistanat.

Société de consommateurs

Parallèlement, il y a un basculement d’une « société de citoyens » à une « société de consommateurs»
– Quand on va voir son patron, on ne lui demande pas un système de rémunération globalement équitable, on lui demande une augmentation.
– Pareillement quand on va voir le maire, on ne lui demande pas des trottoirs propres, mais on lui demande de balayer en face de chez nous.
– Quand on va voir un juge, on ne lui demande pas de prendre une décision juste, on lui demande de nous donner raison.
En quelque sorte, dans ces trois situations, on s’estime dépositaire d’un droit, que l’on veut consommer. La collectivité importe peu, pourvu que l’on ait satisfaction de ses revendications personnelles. Dans cette perspective de citoyen consommateur, on dépense son temps, on ne lui donne plus de sens.

Il n’y a plus d’interdit

Troisième élément : le rapport à l’éducation a-t-il changé ?
– Éduquer revient normalement à apprendre le sens de l’interdit. Mais avec l’augmentation de la société monoparentale, le parent qui s’occupe de ses enfants compense ses difficultés de vie en les choyant.
– Vingt pour cent des enfants sont obèses, car ils n’ont pas d’interdit alimentaire.
– Parallèlement (et paradoxalement), le parent ne lui cache pas la difficulté de la vie, et projette même sur sa progéniture ses frustrations et ses angoisses.
– L’intervenant nous relate l’anecdote suivante : il a demandé à sa petite fille si elle regardait le journal à la télévision. Elle a répondu « non, c’est trop méchant ! ». D’où cette réflexion : les enfants ne rêvent plus, en partie parce que les parents ne les protègent plus. Ils leur font ressentir la cruauté de la vie.

Il n’y a plus de construction collective

– Il n’y a plus de transmission, ni par la filiation, ni par la religion, ni par la profession.
– Nous sommes dans la consommation d’émotions. La moindre émotion, la moindre rumeur va l’emporter sur la stabilité des convictions.
– On bascule donc d’une morale collective à une morale individuelle. On conteste toutes les formes d’autorités. On bascule de la « force du droit » au « droit à la force ». Il n’y a plus de régulation républicaine. Et elle est remplacée par une régulation individuelle.
– Si nous n’avons pas de construction d’expériences collectives, il va y avoir un refuge dans des expériences individuelles.
– La politique publique n’a pas su développer les compétences individuelles, et a développé l’échec et l’enfermement.

L’isolement est un fléaux

Un des drames du XXIe siècle est l’isolement :
– Notre activité cérébrale est trop forte. Depuis le réveil, jusqu’au coucher, nous sommes assaillis de données et de nouvelles. Cette activité cérébrale qui n’est pas suivie d’action est stressante. Or ce stress pourrait s’épancher par la parole et l’écoute. La plupart des situations de détresse se résolvent uniquement avec de l’écoute !
– Mais il n’y a plus d’écoute. Et la fuite dans la technologie aggrave le phénomène. L’accueil physique ou téléphonique est remplacé par des standards automatiques insupportables.
– L’addiction des jeunes la plus compliquée à résoudre n’est pas liée à la consommation de drogue ou d’alcool … mais aux jeux vidéo. Des enfants de 5e passent des nuits entières à jouer.
– L’isolement est un des fléaux à réduire.

La France n’a plus confiance en elle-même

– Nous basculons de la fierté d’être Français, à l’orgueil d’être Français.
– Pareillement, nous mobilisons nos enfants sur la peur de l’échec, plutôt que sur l’amour du travail. Elie Wiesel lui a dit une fois : « quand je rentrais de l’école, ma mère ne me demandait pas si j’avais bien répondu. Elle me demandait si j’avais posé une bonne question ».
– Nous misons tout sur l’école. Si on réussit, on est quelqu’un de bien. Si on échoue, on est un raté. En Allemagne, on peut réussir par le travail professionnel, en dehors de l’école. Cette rigidité est le symptôme d’un manque de confiance.
– La crise accentue le phénomène. Quand un cadre tombe dans le chômage, la désocialisation est très rapide, et s’accompagne d’une perte de repères, d’une perte de la notion de ses compétences et de sa valeur.
– Il faut réfléchir à la suppression de la distinction entre actifs et inactifs. Cela permettra de mieux exploiter les gisements de potentiels inutilisés (chômeurs et retraités).
– Il faut fluidifier les relations à tous niveaux. Par exemple, nous ne sommes pas assez syndiqués. Les Français sont pour le changement, mais pas pour la conduite du changement.

La République en danger ?

Notre période est délicate, car nous devons passer de la « répartition des profits » de la croissance, à la « répartition des efforts » face à la crise :
– Or nous l’avons vu, il n’y a plus de pensée collective.
– Le politique est mal préparé, car il n’est à l’aise qu’avec des chiffres … pas avec des comportements ! Or les indicateurs chiffrés disent ce que l’on veut leur faire dire ! Les politiques travaillent donc avec des données faussées.
– En outre le politique est dans le court-termisme. Comment rechercher un effort long terme, alors que les politiques fonctionnent sur des échéances électorales à 2 ans, et les actionnaires des entreprises à trois mois.

La maire de New-Dehli a dit que sa ville ne tient que par deux choses : la drogue et la religion. Si la structure publique n’assure pas l’espérance, d’autres s’en chargeront !

C’est en vertu de l’ensemble de ces constats que l’on peut envisager la « République en danger ».

Personne n’est libre ni égal

Durant le débat, il y a eu une intervention du professeur Riveline : La société actuelle est l’enfant monstrueux d’un personnage très vertueux : la République. En effet, que dit la République dans la Déclaration des droits de l’Homme ? Que nous sommes « libres et égaux en droit ». Or souligne le professeur, dans une équipe de foot, dans un concert, personne n’est libre ni égal. Il conclut que même si l’idéal est magnifique, c’est un leurre de voir la société comme telle.

Quelques exemples de comptes rendus de réunions du Club des Vigilants :

L’Europe risque de devenir l’idiot du village mondial – conférence d’Hubert Védrine

Quelles pistes de dialogue avec l’Iran ? – conférence de François Nicoullaud

Modernisation de la Chine: Opportunités et défis pour la Chine et le monde – conférence de WU JIANMIN

L’essence du mal – conférence de Pierre Terzian

L’intelligence collective – conférence d’Alain Berthoz

La peur pourrait devenir le pire ennemi de l’humanité – conférence de Christian Boiron

La guerre des microbes et des hommes – conférence de Maxime Schwartz

Internet participatif: aussi intelligent que le cerveau d’une mouche – conférence de Pierre Balanger

Éviter la guerre entre générations – Conférence de Rama Yade

Cette conférence sur la République en danger était passionnante.

Jérôme Bondu

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