Jean-Pierre Bernat est intervenu le 23 septembre au Club IES pour une conférence sur l’ histoire de l’intelligence économique. Il nous a laissé la liberté d’utiliser son texte. Le paragraphe ci-dessous correspond à la seconde partie sur l’histoire de l’IE (sur 8).
Attila : le bouillant conquérant
On ne sait rien de sûr au sujet des Huns avant la fin du IIe siècle. Ce peuple nomadise alors dans la steppe au nord du Caucase. Après 425 un empire hunnique commence à prendre consistance sur le Danube moyen, quelques scribes romains passent à son service. Mais c’est surtout l’oeuvre d’Attila, dont le nom est germanique, et qui règne de 434 à 453, qui marque cette civilisation.
Ce souverain, loin d’être le barbare sans frein que l’on a souvent décrit, exploite avec une remarquable intelligence les dissensions du monde romain, dont il est bien informé. Jusqu’en 449, ses raids presque annuels se tournent surtout vers l’empire de l’Orient; ils ruinent presque toutes les villes de l’intérieur des Balkans et rapportent un immense butin.
A partir de 450, Attila se jette plus brutalement sur l’Occident abasourdi. En 451 il franchit le Rhin aux environs de Mayence, ravage la Gaule de l’Est, pousse devant Orléans, qu’il ne peut enlever; au retour, il est battu par le « maître de la milice » le romain Aetius et ses auxiliaires gothiques, en Champagne, aux champs catalauniques. En 452, un second raid le dirige vers l’Italie, la plaine du Pô est dévastée, mais après une entrevue avec le pape Léon le Grand, Attila fait demi-tour et rentre en Hongrie, peut-être rappelé par les affaires d’Orient. Il meurt peu après.
La ligue hanséatique
Image d’un des puissants réseaux visant à contrecarrer la puissance vénitienne. Les commerçants de villes telles que Hambourg, Brême, Lubeck colportent dans ces régions laines et peaux de Russie, dentelles et draps d’Angleterre, huiles scandinaves et se regroupent vers 1250 pour former la puissante Ligue hanséatique, syndicat professionnel chargé d’assurer la défense commune des villes membres contre les « pillards de mer et de terre ». Cette ligue acquiert de fait une indépendance quasi-totale vis-à-vis des autorités terrestres (indépendance qu’elle conservera jusqu’au XVe siècle).
Le commerce maritime de la Ligue est étroitement réglementé et ce n’est qu’en des occasions spéciales, les « foires franches » (telle la foire de Bruges), que les échanges libres sont possibles avec les autres commerçants. C’est au cours de ces foires notamment, que s’entretiennent des relations avec les puissantes cités maritimes italiennes qui fournissent à la Ligue les produits de l’Orient, car Venise, Gênes et Pise, grandes bénéficiaires des croisades, dominent totalement le commerce maritime de la Méditerranée du XIIIe siècle, depuis que Byzance s’est enlisée dans ses luttes contre les arabes.
On peut noter que si la Suède réussi assez tôt à se libérer du joug de la Ligue hanséatique, elle en a gardé l’approche méthodologique pour favoriser le développement de son commerce.
Du fait de sa position géographique à la limite de l’Atlantique nord et du nord-ouest de la Russie, elle a dû forger une stratégie économique tenant compte de la fragilité de sa position géoéconomique. Comme elle ne pouvait avoir un rapport de forces direct avec des puissances mondiales comme les Etats-Unis ou l’ex-URSS, ni même avec ses voisins allemands, c’est dans la perspicacité et la diplomatie que résidât pour ce pays une voie de développement adaptée. La Suède a tiré de cette attitude le surnom de « petit Japon d’Europe », en compensant les handicaps géoéconomiques par un développement fondé sur une ingénierie stratégique de l’information.
Les conséquences sur l’histoire de l’ intelligence économique
Qu’on en juge par ces chiffres : 35 des 100 premières sociétés suédoises concentrent plus de 80 % de leur chiffre d’affaires à l’Export. Une immense partie de la population parle deux, voire trois langues et l’éducation nationale y est performante (3 % d’illettrés en Suède contre 20 % aux Etats-Unis). Un tiers de la population adulte suit des cours de formation permanente. L’existence de plus de 100 journaux paraissant au moins quatre fois par semaine participent à une circulation rapide de l’information. Ce qui comparativement représente le triple du marche américain pour un pays de la taille de la Floride, et constitue en matière d’information un marché trois fois plus important que celui des Etats-Unis. Dès le XVIIIe siècle, un journal intitulé « Den Göteborg Spionen » publié dans la ville de Göteborg, relatait régulièrement les découvertes faites en Europe par les marchands et les commis-voyageurs suédois.
Ainsi furent introduits en Suède les procédés de fabrication de la porcelaine, et de nombreux biens marchands. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la Suède, favorable à une approche pragmatique de la situation internationale, choisit une politique globale de défense. Ce pays à la charnière des deux blocs a donc développé un modèle de compromis fondé sur l’hégémonie de la social-démocratie, où 30 % de la population active appartient au secteur public et où la sécurité économique est considérée comme une priorité. Pour atteindre cet objectif, les autorités suédoises ont pratiqué une politique de concertation entre les milieux politiques, sociaux, et économiques. En outre, le nombre de citoyens nés en dehors de Suède est encore aujourd’hui très marginal. Cette caractéristique renforce la cohésion culturelle de la population. Les nombreuses conquêtes, reprises et pertes de territoires favorisent le développement d’une certaine culture du secret. Ces fondements historiques et culturels facilitent la formation de partenariats d’entreprises ainsi qu’une coopération entre patronat et syndicats devenue légendaire dans les années soixante-dix. L’exiguïté du territoire fait que les chefs d’entreprises connaissent souvent leurs homologues pour avoir été à l’armée avec eux ou pour avoir partagé les mêmes bancs universitaires.
Jean-Pierre Bernat (voir un article de Veille Mag)
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Voir les autres paragraphes sur l’ histoire de l’intelligence économique :
- Histoire de l’IE (1/8): Sun Tzu
- Histoire de l’IE (2/8): Attila et la ligue hanséatique
- Histoire de l’IE (3/8): Le Japon et Venise
- Histoire de l’IE (4/8): De Richelieu à Bonaparte
- Histoire de l’IE (5/8): L’Angleterre victorienne
- Histoire de l’IE (6/8): Mao et la stratégie chinoise
- Histoire de l’IE (7/8): La guerre de l’info
- Histoire de l’IE (8/8): L’hyper connectivité
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Jérôme Bondu