Comment gérer la dimension collective des risques ? MM. Bernard Besson et Jean Claude Possin m’ont fait l’honneur d’écrire un article pour Inter-Ligere. Les auteurs de « l’Intelligence des Risques » (ouvrage que j’ai eu le plaisir d’éditer en tant que directeur de l’IFIE Editions) reviennent sur la nécessité de prendre en compte tous les types de risques possibles, et notamment les risques managériaux, pour avoir la vision la plus globale possible. Cette vision « englobante », ne souffre pas de cloisonnement, et impose un travail collectif, qui n’est pas sans rappeler celui de l’intelligence économique.
Leur article va être posté en 5 billets :
- Les quatre familles de risques
- Le risque sécuritaire global
- La dimension collective des risques
- Le calcul des risques
- La hiérarchisation des risques dans un panorama d’ensemble
Veuillez trouver ci-dessous, le troisième billet.
Jérôme Bondu
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La dimension collective des risques
Pour le système d’intelligence économique chaque risque, quel qu’il soit, est avant tout une information que l’entreprise a ou n’a pas, qu’elle peut recueillir et analyser afin de décider et de prévenir.
La démarche d’intelligence économique rejoint ici la démarche habituelle des cindyniques (8).
Pour les sciences du danger, chaque incident, accident ou crise majeure s’analyse par des défauts dans le recueil, l’interprétation, la transmission et la prise en compte de l’information.
A cet égard la catastrophe du tunnel sous le Mont Blanc ou la faillite commerciale d’une entreprise s’expliquent de manière identique. Un processus cognitif et décisionnel est interrompu. Des informations ont manqué ou n’ont pas été transmises. Transmises, elles n’ont pas été lues ou correctement interprétées. Analysées, elles n’ont pas été prises en compte.
Les gestionnaires et praticiens (9) du risque disent tous combien la maîtrise de l’information est le préalable incontournable de la gestion des risques. C’est ainsi que dans leur ouvrage C. Veret et R. Mekouar « Fonction : Risk Manager » préconisent de doter l’entreprise d’un « système d’information de gestion des risques (SGIR) ».
La similitude des approches entre gestion des risques et démarche d’intelligence économique est incontournable. Elle fonde les concepts d’intelligence des risques et de risque sécuritaire global.
Système d’intelligence économique
Ces deux concepts ouvrent de nouvelles finalités au système d’intelligence économique (10) . Elles permettent d’identifier, de calculer et de hiérarchiser les risques à partir de leur fréquence, de leur gravité et de leur probabilité d’occurrence.
Elles accompagnent leur prévention, leur réduction voire leur éradication.
Le traitement commun et généralisé des risques de sécurité, de sûreté, environnementaux et managériaux se fonde sur une réalité parfois cruelle. Trois exemples :
– Le drame de la navette Columbia (11) illustre de manière spectaculaire l’interférence des risques de sécurité et de management. Selon le Columbia Accident Investigation Board (CAIB) les spécialistes de la gestion des risques de la NASA avaient depuis longtemps signalé les risques inhérents à la chute d’isolants provenant du réservoir externe sur les ailes de la navette.
A huit reprises, des informations orales et écrites permettant de prendre conscience de la fréquence et de la gravité de ce risque ont été négligées.
Ce sont, au dire des conclusions de l’enquête, les cloisonnements entre les différents métiers, entre les certitudes des uns et des autres, entre les sources d’information qui ont tué les sept astronautes.
Beaucoup plus que la détérioration du bouclier thermique c’est la conjonction des risques de sécurité et de management qui a été à l’origine du drame. L’absence de vision globale explique beaucoup de dysfonctionnements graves et de catastrophes.
Cloisonnements entre les différents métiers
– Les conséquences du tsunami du 26 décembre 2004 trouvent une partie de leur explication dans la conjonction de risques environnementaux (région à forte activité sismiques), managériaux, (défaut d’investissement dans des systèmes d’alerte) de sécurité (édifices sans normes para sismiques) et de sûreté (corruption des maîtres d’ouvrage).
– De façon moins spectaculaire mais tout aussi vraie la baisse de performance d’une entreprise s’explique souvent par la convergence, de risques provenant de plusieurs familles :
L’entreprise est victime d’un risque de taux de change sur une devise étrangère (risque managérial), d’une panne de son système d’information (risque de sécurité), d’un vol de données informatiques (risque de sûreté), d’une pollution des eaux (risque environnemental).
La variété, l’interaction et l’évolution permanente des risques et menaces inter
dit malheureusement toute solution définitive. Le risque zéro n’existe pas et aucune gestion des risques aussi performante soit-elle ne mettra totalement l’entreprise à l’abri d’une crise.
dit malheureusement toute solution définitive. Le risque zéro n’existe pas et aucune gestion des risques aussi performante soit-elle ne mettra totalement l’entreprise à l’abri d’une crise.
L’imprévisibilité partielle demeure un facteur incontournable même si la prise en compte d’informations validées et l’élaboration de scénarii catastrophes en limite l’occurrence et l’amplitude.
L’intelligence des risques n’est pas la solution infaillible qui permet de prévoir chaque accident ou incident. C’est un système cognitif transversal et collectif, une perception sensorielle qui permet de capter et d’interpréter des signaux faibles, des indices émergents comme des tendances lourdes.
Bernard Besson et Jean Claude Possin
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Jean Claude Possin est Vice Président du Groupe Intelligence Economique de l’INHES (maintenant IHEMI).
Bernard Besson est chargé de mission auprès de M. Alain Juillet Haut Responsable à l’Intelligence économique (HRIE).
Notes sur la dimension collective des risques
(8) Georges Yves Kerven Eléments fondamentaux des cindyniques Economica 1995. Les dangers font l’objet d’une science qui s’appelle les « cindyniques », du grec kindunos qui signifie danger.
(9) Geiben B, Nasset J J Sécurité, Sûreté, la gestion intégrée des risques dans les organisations. Editions d’organisation 1997.
Roux-Dufort Ch., Gérer et décider en situation de crise, outils de diagnostic, de prévention et de décision. Dunod, 2ème édition 2003.
(10) Bernard Besson et Jean Claude Possin article sur « Proposition de modélisation par l’intelligence économique de la gouvernance d’organisation » pages 311-333. Ouvrage collectif « Intelligence Economique et gouvernance compétitive » La Documentation Française, Juin 2006.
(11) « Le Monde », 28 août 2003 ; page 2 La NASA sévèrement mise en cause dans le drame de Columbia.