On ne peut être que ravis qu’accède à la présidence des États-Unis quelqu’un qui semble incarner des forces de solidarité, d’équité, de courage et de justice. Quelqu’un qui, de par son parcours, a démontré son courage et sa détermination. Un métis que les américains voient comme ressortissant de la communauté noire, quarante ans après l’assassinat raciste de Martin Luther King.
Néanmoins, sans vouloir jouer les Cassandres, on peut éprouver un certain malaise vis-à-vis de cet engouement actuel.
D’abord, Barack Obama soulève des espoirs irraisonnés.
Du Kenya à Paris, d’ici ou d’ailleurs, on trouve des gens pour se féliciter de son accès au pouvoir. Mais le président des États-Unis, ne pourra rien pour eux. Pire, il est évident que sa politique servira d’abord (voire uniquement) les intérêts des États-Unis, quels qu’en soient les dégâts collatéraux. Il est à la tête d’un navire qui prend l’eau, et ne pourra pas s’occuper des autres bateaux à la dérive.
Ensuite, le fait qu’il soit démocrate ne signifie en rien qu’il sera un meilleur partenaire commercial. C’est sous Bill Clinton que l’Advocacy Center (bien connus des professionnels de l’intelligence économique) a été mis en place, organisme qui n’est autre qu’une « machine de guerre commerciale » pour aider les entreprises américaines à obtenir des contrats à l’international.
Vote sanction
Au plus bas dans l’opinion mondiale, les États-Unis ont eu la force, mais aussi -il faut le dire- «l’intelligence marketing», d’élire un président qui a retourné l’opinion publique mondiale. Après avoir représenté l’horreur de Guantánamo et d’une guerre pour le moins douteuse en Irak, voici les dés relancés.
On peut être surpris par l’opinion des Français qui estiment la France rétrograde en matière d’intégration. Tout dépend des indicateurs que l’on prend. Un exemple parmi d’autres : celui des mariages mixtes entre personnes originaires d’Afrique noire et « blancs de souche » (il se trouve que c’est le cas de Barack Obama ). En France 2% des couples sont dans ce cas. Aux États-Unis, ils ne sont que 0.02%*. Il ne faut pas oublier que parmi les électeurs d’Obama, il y avait des républicains qui dégoûtés de la politique de Bush fait un « vote sanction », au profit de celui qu’ils appellent le « niger » (négro)**.
Difficultés importantes
Enfin, si Obama a souvent dit durant sa campagne électorale qu’il voulait être élu sur ses compétences et non sur le symbole que pourrait représenter son accession à la Maison Blanche, il faut bien avouer qu’il joue maintenant à plein la carte symbolique. D’Abraham Lincoln à Martin Luther King, il essaye de profiter au maximum d’un effet porteur.
On peut pronostiquer que Barack Obama va vers des difficultés importantes. Le réveil sera d’autant plus brutal que l’état de grâce a été sublimé. Il a su jouer du marketing et a maintenant une popularité très positive mais « irrationnelle ». Or les difficultés auxquelles il devra faire face sont très réelles, et demanderont beaucoup de temps. La « mode » passera, le peuple se lassera, et sa popularité risque de changer de polarité de manière tout aussi irrationnelle.
Jérôme Bondu
Voir sur le même sujet un billet sur Carlos Ghosn.
*Chiffres cités de mémoire, issus d’une conférence d’Emmanuel Todd. La France est un pays où le taux de mariage mixte est extrêmement fort :17% (chiffre encore cité de mémoire).
** Information entendue sur France Inter.