« Où va la veille ? » se demandent régulièrement les professionnels du domaine. Il semble que la cuvée 2010 d’i-expo ait rapporté des réponses à cette bonne question. Les organisateurs avaient annoncé une augmentation significative du nombre de préenregistrements par rapport aux années précédentes. Voici quelques notes sur les deux conférences auxquelles j’ai assisté.
Entreprise 2.0 et réseaux sociaux d’entreprise
Réseaux sociaux d’entreprise
Une conférence animée par Anthony Poncier avait pour ambition de présenter des solutions en phase avec le web 2.0. : « Entreprise 2.0 et réseaux sociaux d’entreprise : Retours d’expériences »
Je suis arrivé au moment de la présentation d’XWiki, alors que l’orateur affirmait avec justesse que la démocratisation des solutions qui permettent de rester en veille (bookmark de liens, Netvibes, Google Reader…) ont multiplié les « centres d’analyse » dans l’entreprise. Des solutions comme Xwiki permettent de centraliser ces « analystes » dispersées, et de créer une intelligence collective. C’est, souligne le fondateur de la société, un levier de productivité important. Mais l’installation d’un outil n’est pas « tout ». Et la démarche demande à être animée. D’où l’importance de nommer un community manager, qui pourra encourager les témoignages …
Partage de l’information
Vint ensuite la présentation de la société Yoolink (qui vient de recevoir le prix de la solution innovante) par Sunny Paris. L’orateur a bien circonscrit les fonctionnalités : La solution ne fait pas de sourcing ! Elle se concentre sur la dimension de partage de l’information, faite par des collaborateurs.
J’ai quitté la réunion alors que Franck La Pinta faisait un retour d’expérience de la création d’une communauté RH au sein de la Société Générale (communauté qui regroupe 2800 personnes dans 80 pays). Lui aussi a insisté sur la nécessité d’animer la dynamique, et d’avoir un sponsor fort. D’autant que la plateforme regroupe 90% de lecteurs et seulement 10% de producteurs. Trois communautés ont pour l’instant été ouvertes, et concernent plus 800 collaborateurs.
Ou va la veille ?
Surinformation et infobésité
J’ai aussi assisté à plénière « Où va la veille ? » dans une salle comble. Véronique Mesguich a animé cette conférence passionnante. Toute médaille à son revers. Et le revers du web 2.0 a bien été décrit par Christophe Deschamps qui a souligné que l’augmentation du nombre d’internautes, du nombre de solutions de diffusion d’informations, conjugué avec l’augmentation de la portabilité de ces outils a entrainé une surinformation, une infobésité que l’on peut traduire en « information overload », « knowledge overload », « tools overload », … et last but not least … « friends overload » !
Conséquences sur les pratiques de veille
– D’abord, des informations ne sont trouvables qu’avec certains outils, c’est ce qu’il a appelé « l’effet silos » dont on aurait pu croire qu’il disparaisse avec la mise en réseau des réseaux.
– Le problème de classement et de mesure du 2.0 a été illustré par une citation de Borgès « On ne peut pas mesurer l’univers, car nous ne savons pas ce qu’est l’univers ».
– Il y a une démocratisation des pratiques de veille. Christophe s’est bien gardé de se prononcer sur le fait que ce soit une opportunité ou un danger pour les « veilleurs professionnels ».
– Enfin, il a souligné la nécessité d’avoir des solutions qui permettent de simplifier, de mieux appréhender cet univers mouvant. Au nombre de ces solutions, il a cité la cartographie et a montré ce que faisait Bscopes.
Solutions de veille gratuites
L’intervention de Sébastien Fanget a pu dérouter. Pourquoi inviter un photographe qui dit lui-même ne pas être un veilleur ? Je crois que les organisateurs ont voulu montrer ce que savait faire un « profane » en matière de veille. Et nous n’avons pas été déçus, car il a parfaitement illustré la capacité de tout un chacun de faire de la veille avec des solutions gratuites.
Quelques chiffres : Son lecteur de flux RSS agrège 132 flux, classés dans 26 dossiers. L’analyse lui prend entre 15 et 60 minutes par jour, et il retient une centaine d’informations par semaine! CQFD.
Avenir de la veille
L’intervention suivante a vu Jean-Baptiste Soufron, de Cap Digital, envisager l’avenir de la veille. Il a développé le concept de « Soft Empowerment », qui mélange de deux idées :
– Soft power : la maitrise des logiques de veille vous donne de l’influence dans votre secteur. L’influence liée à la possession de l’information migre doucement vers l’influence liée à la capacité de les diffuser!
– Self empowerment : un individu peut avec des outils grand public devenir un centre d’analyse s’il sait utiliser les outils d’interconnexion des services.
Simplification de la veille
Sa vision de l’avenir :
– Il pense que les outils vont aller vers une simplification. Il assure avec raison que les outils sont de plus en plus compliqués. Les outils du futur seront ceux qui sauront garder des performances élevées (gestion de la complexité), avec une prise en main facile (réduire la complication). Il est bien placé pour rappeler que parfois la vraie innovation, c’est de savoir régresser (comme la fait Google avec son système de classement qui repose en grande partie sur le nombre de liens qui est un gradient de qualité).
– Selon lui les projets qui « marcheront » ne seront plus développés par une seule personne, mais par des réseaux. Les projets qu’il voit défiler à Cap Digital sont de plus en plus portés par des groupes hétérogènes. Cela devient nécessaire par les nombreuses compétences qu’il faut développer derrière un projet.
– L’innovation reste fondamentale.
– Il a fini sa très intéressante présentation en posant ce qui est pour lui le vrai problème d’internet. Sa question était « Jusqu’à pourrons nous garantir une entière liberté de conscience ? »
Stéphane Rosenvald a présenté les résultats d’une étude internationale.
La curiosité
Enfin, Benoit de Saint Sernin a présenté les modifications qu’il observe dans le cadre de la direction de l’école EEIE.
– Il nous a étonnés en disant que les étudiants qui passent la sélection actuelle ont déjà fait de la veille, et qu’ils viennent pour professionnaliser leurs pratiques.
– Il pense que l’avenir de la veille réside dans la capacité d’analyse et de prospective : Les entreprises ne veulent pas avoir des tonnes d’informations. Elles ne veulent pas non plus avoir une information parue hier. Elles veulent savoir ce qui va paraître demain. A la maitrise des outils, il faut rajouter une qualité essentielle : la curiosité. Cela me permet de rappeler qu’une des conférences d’i-expo avait pour but de présenter le livre blanc de l’ICOMTEC, dirigé par l’indispensable Christophe Deschamps, sur les méthodes d’analyse.
Conclusion sur l’avenir de la veille
En deux mots, mon avis sur l’avenir de la veille.
Il semble évident que les outils vont se multiplier, tout comme la masse d’informations disponibles sur internet. Partant de là, le problème ne va pas être de s’informer, mais de résister à la surinformation. D’où -à mon avis- un retour aux réseaux humains et à l’importance des informations issues des personnes que l’on connait. On fait l’expérience avec Twitter de la pénibilité d’une multiple redirection d’un même message. On peut imaginer qu’un jour un système de dédoublonnage des informations devienne aussi important qu’un « fire-wall ». Une sorte de « fire-information » ? Une citation pour finir « L’information va remplacer l’argent, qui lui même a remplacé la force comme vecteur de pouvoir. »
Jérôme Bondu
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