Quelles sont les meilleures pratiques de l’Intelligence économique ? Voici un benchmark veille, extrait de la thèse professionnelle de Jérôme Bondu. Le sujet exact était « benchmarking des pratiques de l’intelligence économique » (voir ci-dessous les descriptions d’entreprises).
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Vous trouverez ci-dessous le compte rendu d’entretien de l’entreprise T
Benchmark veille
Présentation des besoins de veille
Présentation générale de l’entreprise.
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CA : plus de 30 milliards d’euros.
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Culture de l’entreprise.
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L’entreprise est issue d’un conglomérat industriel.
Elle s’est, dès les années 70, tournée vers l’Europe, par des rachats d’entreprises. Ce qui en fait aujourd’hui une entreprise multiculturelle, décentralisée avec différents pôles (pouvoirs locaux) forts.
L’organigramme de l’entreprise est matriciel, organisé en divisions (produit), et régions (marché).
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Environnement concurrentiel.
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Une dizaine de concurrents mondiaux ont un profil similaire.
Néanmoins la concurrence vient aussi des nouveaux entrants. Certains se sont développés très rapidement et ont pris des parts de marchés conséquentes.
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Présentation de l’interlocuteur
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Mon interlocuteur est responsable de la veille marché : analyse du marché et analyse de la concurrence. Son périmètre d’action est purement économique, la veille technologique est réalisée ailleurs.
Il est rattaché au directeur marketing corporate. Il a des correspondants dans toutes les divisions et les régions.
La veille est décentralisée. La veille marketing (analyse du marché) et concurrentielle est à la charge des directions marketing des différentes divisions et régions. La veille y est faite au coup par coup, selon les opportunités. Le rôle de mon interlocuteur est de pérenniser ce travail. Cela passe par le développement d’outils, la création et la mise en place de processus pour cette communauté de professionnels. La cellule centrale de veille est bien entendu également au service direct de la direction générale de l’entreprise, ainsi que responsable plus particulièrement de la veille Europe.
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Présentation du système de veille général :
Description du système de veille / IE
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– origine, création
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Il n’y a pas de système d’intelligence économique institutionnalisé.
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– objectifs
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– effectifs
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Mon interlocuteur recense environ 100 à 150 personnes qui travaillent à temps partiel pour la veille marché et produit. Cela représente selon lui, l’équivalent de 50 personnes à plein temps.
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– organigramme de la veille
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Il n’existe pas d’organigramme de la veille.
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Soutien de la direction
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– implication de la direction
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La direction n’est pas impliquée dans le développement de cette activité même si elle en est le premier client.
Il arrive que la direction demande une étude de veille, et très souvent dans l’urgence. Mon interlocuteur incrimine ce qu’il appelle le « syndrome de l’urgence ». Tout est demandé à la dernière minute et tout est très urgent. Il y a peu de place pour un travail en profondeur et à long terme qui permettrait de mettre en place une veille pérenne. C’est ce qui explique que 70% des demandes ne soient pas pleinement satisfaites. Les veilleurs-analystes sont trop utilisés comme un service SVP.
L’importance de cette fonction n’est pas assez reconnue.
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– détection des besoins de veille au niveau de la direction
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La direction émet des demandes, mais ponctuelles.
L’information marché est consommée comme un achat d’impulsion. Il n’y a pas de planification des besoins.
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– implication du personnel
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Il y a eu des tentatives de mettre en place des contributions participatives, de faire participer les employés à la remontée d’information. Cela n’a pas marché.
Mon interlocuteur trouve une partie de l’explication dans le fait que les contributeurs attendent tout de suite un retour. Ils veulent du donnant-donnant. Or il est difficile de pouvoir satisfaire les attentes forcément différentes des contributeurs. Surtout si une seule personne est chargée d’animer un tel réseau.
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– formations, sensibilisation du personnel
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Il n’y a pas de formations.
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Structure
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– nombre et répartition des entités de veille
– domaines de veille
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– Il existe une veille marketing (analyse du marché) et concurrentielle qui est décentralisée. Cette veille est à la charge des directions marketing des différentes divisions et régions.
– Mon interlocuteur a pour tâche d’assurer la pérennité des ces actions.
– Il y aussi des veilles réglementaire, technologique?
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– coordination
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Il n’y a pas de coordination entre les différentes veilles au sein de l’entreprise. Mon interlocuteur avoue qu’il ne voit pas d’intérêt à travailler avec les personnes en charge de la veille technologique, réglementaire? Les métiers sont très différents. Par contre, il reste essentiel d’être informé de ce que font les autres services de veille.
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Présentation de la veille : analyse du marché et analyse de la concurrence
Présentation
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Mon interlocuteur est responsable de la veille marché (analyse du marché et analyse de la concurrence).
Il est responsable d’une équipe de 12 personnes : dont 4 analystes, des documentalistes et des chargés d’études.
9 employés sont permanents, et les 3 autres sont des employés temporaires.
Il a pour mission de pérenniser les actions de veille qui sont réalisées au coup par coup dans les divisions et au sein des différents marchés.
En outre, il est responsable de la veille marché, concurrence et clients pour le monde et la zone Europe.
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Soutien de la hiérarchie
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Il n’y a pas de soutien de la hiérarchie, bien que cette fonction y soit fortement dépendante. Une bonne partie du travail de mon interlocuteur consiste à faire coopérer ensemble près 50 personnes dont une bonne partie ont un niveau hiérarchique supérieur ou égal au sien dans leur propre organisation. Sans appui hiérarchique, les solutions sont réduites. Il ne peut que mettre en place des outils, des processus, des méthodes? et les proposer.
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Détection des besoins
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Collecte
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L’intranet de l’entreprise est très dense et disparate, et se développe de manière anarchique.
Une application complète est développée (avec l’outil Arisem) composée de différents outils :
– Un moteur de classification. Plutôt que d’implanter un moteur de recherche, qui manquerait de fiabilité, il a été choisi d’utiliser un moteur de classification d’information.
– Un annuaire d’expert est disponible. Cet annuaire est conçu de telle manière qu’il ne rende pas seulement une représentation statique des connaissances des employés (M. X est spécialiste de ceci), mais aussi une représentation évolutive (M. X travaille sur ceci) ce qui est beaucoup plus opérationnel.
– L’outil permet de créer des forums. Chaque forum permet de demander, d’envoyer, de recevoir des informations, et permet la constitution d’une bibliothèque propre.
– Enfin, un système est en cours d’implémentation qui permettrait de résoudre le problème de la cartographie des sources. Mon interlocuteur est sensibilisé à la perte de temps inhérente à la recherche de la bonne source d’information. S’il était possible de savoir où trouver telle information (internet, dépêche Reuter, base de donnée brevet ?) le gain de temps serait phénoménal.
Le système imaginé implique les fournisseurs d’information. Il s’agit de leur demander de permettre aux outils de l’entreprise de rechercher automatiquement l’information utile dans leurs bases de données. La solution devrait être déployée à la fin de l’année pour mise en service opérationnelle d’ici un an ou deux.
– Un dernier outil offre un espace de publication. Il héberge et met à disposition les publications des employés.
La collecte d’information n’est pas l’affaire que des outils informatiques. Les réseaux humains tiennent une large place. Pour chaque recherche d’information, le veilleur identifie les fonctions clés de l’entreprise du domaine en question. Il s’agit souvent des responsables commerciaux, des chargés de veille marketing, des chargés de stratégie?
A ce titre, il est important de connaître les biais attachés à chaque fonction. Tout ce qui remonte des fonctions commerciales sera sous-estimé. En effet un commercial est rémunéré en fonction des dépassements de ses objectifs. Placer des objectifs de vente bas, permet d’augmenter son potentiel de prime.
Inversement, tout ce qui remonte des divisions produit sera surestimé.
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Traitement
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Le traitement est affaire de matière grise. Il n’y a pas d’outils impliqués, mis à part la classification des infos par Arisem.
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Diffusion
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Les outils précédemment nommés sont aussi outils de diffusion :
– Le forum.
– Les espaces de publication.
– En outre, une base de donnée de nouvelles a été mise en place.
Cette base est alimentée par des fils d’information comme celui de Reuter. 2500 employés y sont abonnés. Ils peuvent déterminer leur profil, pour ne recevoir que des informations qui les concernent. 150 nouvelles sont reçues chaque jour et ainsi retransmises selon les critères déterminés par les colistiers.
Outre les informations externes, les colistiers ont la possibilité d’alimenter cette base. Mais seuls quelques colistiers (moins d’une dizaine) diffusent régulièrement des informations par ce canal.
Mon interlocuteur remarque que le meilleur outil du veilleur est le mail ! L’essentiel des informations utiles est échangé entre personnes d’un réseau de connaissance, via la messagerie, et par échange individuel (de personne à personne).
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Mémorisation / capitalisation
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Il existe une bibliothèque avec une base de donnée documentaire. Elle possède sans doute, tempère mon interlocuteur, 80% des achats du groupe. Car, malgré l’existence d’une centrale d’achat, rien n’empêche les achats particuliers dans telle ou telle division.
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Présentation du système d’analyse concurrentielle, et de la centrale d’achat
Présentation
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Deux structures sont présentées ci-dessous :
– L’analyse concurrentielle.
– La centrale d’achat.
L’analyse concurrentielle :
Un système centralisé de suivi des concurrents a été mis en place, mais n’a pas été pérennisé.
Le système était hiérarchisé. Une personne était chargée de nommer (sur la base du volontariat) des responsables de la veille en charge du suivi d’un concurrent. Ces derniers choisissant à leur tour des capteurs d’informations.
Ce système n’a pas fonctionné.
– Cela est dû d’une part à la multiplicité des nouveaux entrants. Suivre 10 concurrents bien identifiés est relativement aisé. Suivre une multiplicité de
– En outre, les fonctions n’étaient pas officielles, et le travail de veille se faisait en plus des activités normales. Malgré la motivat
ion des volontaires, à la moindre urgence opérationnelle, le travail de veille était abandonné. Une solution aurait été de rendre cette activité officielle, mais ce n’est pas à l’ordre du jour.
La centrale d’achat :
Un système de mutualisation des achats d’information a été mis en place.
Le système fonctionne de la manière suivante : si une entité veut acheter une étude, elle le fait savoir à la centrale d’achat, qui diffuse l’information sur une base dédiée. D’autres entités peuvent se montrer désireuses d’obtenir cette étude, et acceptent d’en partager le coût d’achat. La structure centrale n’a pas de budget, et est simplement chargée de mutualiser les demandes.
Les achats sont ainsi gérés et rentabilisés à l’échelle de l’entreprise.
Cela évite deux écueils. Premièrement qu’une structure supporte seule le coup d’achat d’informations. Deuxièmement que différentes entités achètent la même étude sans savoir qu’elle est déjà acquise par ailleurs.
Les gains sont estimés à 5 millions de Francs par an.
Ce système avait été originellement développé dans une division avant d’être implémenté pour toute l’entreprise, à l’initiative du responsable veille marché.
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Réflexion sur la corrélation entre « besoins de veille » et « système de veille »
Indicateurs d’évaluation de la veille au niveau de l’entreprise
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Indicateur en terme de service fourni : Pour tout ce qui est application informatique, il y a bien sûr des indicateurs (par exemple, le nombre de nouvelles envoyées aux colistiers). En outre, des enquêtes sont réalisées régulièrement auprès des utilisateurs.
Au niveau financier, il a été calculé que la centrale d’achat faisait économiser plusieurs millions de Francs par an.
Enfin en terme d’image, les analyses de marché qui sont produites semblent appréciées, au sein même des divisions. Ceci constitue une victoire, car le siège a souvent la réputation de coûter cher aux unités opérationnelles. Or depuis que l’activité de veille est mise en place, ils sont demandeurs des analyses marchés produites.
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Points forts, et points faibles de l’organisation
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Les points forts :
– Souplesse de l’organisation de la veille, due au travail en réseau.
– Flexibilité et polyvalence des veilleurs.
Les points faibles :
– Sentiment d’inertie du système.
– Manque de soutien de la hiérarchie, manque de reconnaissance de la fonction. Il faudrait une officialisation dans l’organigramme.
– Le système est porté par des individus. Mon interlocuteur avance que s’il s’en va, 50% de son travail ne serait pas pérennisé. Plus largement il y a une faiblesse dans la capitalisation et la pérennité des savoirs.
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Corrélation entre besoins et système de veille
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Il y a une tendance à gommer la dimension politique et stratégique de l’information, à mettre en place des structures, des outils et des rouages qui restent souvent une coquille vide.
L’information est avant tout source de pouvoir, et outil de promotion à l’intérieur de l’entreprise. Aucune veille pérenne ne peut être construite sans prendre en compte cette dimension.
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Liens vers les descriptions des pratiques dans 23 entreprises
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