Compte rendu de la conférence de Maître Yves-Marie Moray qui aborde le lobbying et son aspect communautaire. Une analyse fine qui permet de voir le lobbying d’un œil plus aiguisé.
Compte rendu rédigé par Jérôme Bondu, de la conférence du 25/05/2004 au Club IES – AAE IAE
Réunion organisée en partenariat avec le GTI lab présidé par Daniel Rouach :
La pratique du lobbying communautaire
Animé par Maître Yves-Marie Moray
Présentation de l’intervenant
Maître Moray est avocat au barreau de Paris et spécialiste en droit communautaire. Egalement, il préside l’association européenne d’avocats d’affaires Eurolaw et l’association Culture Economie Défense.
Introduction : Le Lobbying communautaire
D’abord, M. Moray précise en introduction qu’il y a lobbying « dès qu’il y a une initiative privée qui a pour but de changer une décision publique ».
1. Vision du lobbying communautaire
Tout d’abord, à propos du lobbying, Maître Moray a une vision très précise du sujet qu’il nous a fait partager.
Le lobbying est entaché de préjugés en France. C’est pourtant une activité normale.
Dès qu’il y a pourvoir, il y a contre-pouvoir. Il est donc normal que la décision publique soit surveillée. C’est en partie le rôle du lobbyiste. Face au « pouvoir des bureaux » se développe un « pouvoir des couloirs ».
Poussant plus loin la réflexion, maître Moray remarque que la vie est un combat contre des « oppressions ». Par exemple : oppressions de la force physique, de l’argent… Aujourd’hui, la force est celle du savoir, de l’information et de la connaissance. Par conséquent, les acteurs économiques développent des armes adaptées à ce nouveau rapport de force. De toute évidence, le lobbying en est un.
Quant à la notion de dérives que peut engendrer le lobbying, maître Moray remarque qu’il n’y a pas de domaine qui soit exempt d’irrégularités. « Les règles de comptabilité n’empêchent pas les fraudes » nous fait-il remarquer. Pourtant il ne viendrait pas à l’idée d’une entreprise de ne pas faire de comptabilité. Le raisonnement pour le lobbying peut être le même.
2. Acteurs du lobbying communautaires
Ensuite, il aborde les acteurs du lobbying. Il faut dire que le lobbying concerne tous types d’entreprises, les grandes comme les petites. Elles peuvent demander à des représentants de l’Etat de les défendre, ou bien aller « se défendre elles-mêmes ».
Néanmoins, il y a d’autres acteurs : les syndicats professionnels, les chambres de commerce, les MEDEFs nationaux… L’action de ces acteurs peut se rajouter à celle des entreprises. Par exemple le patronat européen UNICE est un lobby très actif.
3. Méthodes
3.1. Les bonnes pratiques
Avant tout, le lobbying est régi, en quelque sorte, par plusieurs règles importantes.
Voici les quatre règles importantes :
– En premier lieu : agir le plus en amont possible des décisions. A ce titre une veille active est nécessaire pour détecter les signaux faibles.
– En second lieu : avoir une représentation large. Le fonctionnaire européen réagit en fonction des intérêts publics européens et non en fonction de l’intérêt spécifique d’une entreprise ou d’un pays.
– En troisième lieu : aller « dans le sens de l’histoire ». Ne pas chercher à défendre des positions perdues d’avance.
– Enfin : savoir échanger les informations. « Il faut savoir donner pour pouvoir prendre » nous dit maître Moray. Le décideur public est avide de connaître l’avis des entreprises. Dans ce cadre, le lobbyiste est réellement un partenaire qui apporte une information attendue.
3.2. Les techniques
De surcroît, le lobbyiste pourra utiliser certaines « techniques ». Bien sûr, le choix d’une de ces techniques ne se fait pas à l’exclusion des autres. Le lobbyiste pourra en user simultanément.
– La technique de l’expression : il s’agit de miser sur un argumentaire technique solide.
– La technique de l’appui médiatique : selon les dossiers, il sera utile ou non de provoquer une médiatisation. Dans tous les cas, ce sera à utiliser avec précaution.
– La technique rétilienne, qui consiste en l’utilisation des réseaux relationnels.
– La technique de l’amendement parlementaire, qui consiste à modifier un projet plutôt qu’à s’y opposer frontalement.
3.3. Les erreurs classiques
Bien que ces règles soient connues, on retrouve souvent les mêmes erreurs à l’origine de « ratages » :
– Agir trop tard.
– Agir au coup par coup.
– Lancer une action spectaculaire, ou « viser trop haut ».
– Ne pas être assez discret et dévoiler sa stratégie.
– Travailler en réaction, sans suivre une stratégie propre.
3.4. Les cibles
Les décisions ne sont jamais prises par une seule personne en une seule fois au sein des instances européennes. Il n’est donc pas étonnant que les cibles d’une action de lobbying soient multiples.
– Un des travers couramment observés chez les Français, est de vouloir « viser trop haut ». S’il peut être utile de rencontrer des responsables, il est indispensable de rencontrer aussi les fonctionnaires opérationnels, d’être en contact avec les comités techniques.
– La connaissance de tous les éléments du mécanisme de décision communautaire permettra de pouvoir cibler les hommes à convaincre, de pouvoir réfléchir aux moyens d’actions.
– Avoir un carnet d’adresse fourni n’est rien en soi. Encore faut-il l’entretenir et savoir l’utiliser. Un carnet d’adresse « est un patrimoine » a résumé maître Moray.
Conclusion
Pour finir cette présentation, maître Moray est revenu sur les approches culturelles. Les Français ont pris le mauvais pli d’attendre que l’État intervienne à leur place.
Pour que cet état d’esprit change, notre intervenant évoque deux pistes :
– introduire des cours de lobbying à l’école de la magistrature, et dans toutes les autres formations qui préparent aux métiers de l’entreprise,
– mettre en place un secrétariat d’État en charge des relations avec l’Europe.
Compte rendu rédigé par Jérôme Bondu.
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